Le Devoir

Une première année en deçà des attentes

Moins populaire que prévu, le crédit d’impôt a eu un impact environnem­ental limité

- KARL RETTINO-PARAZELLI

Le crédit d’impôt RénoVert, qui vise à encourager la rénovation écorespons­able, n’a pas répondu aux attentes lors de sa première année d’implantati­on, indiquent des données obtenues par Le Devoir. Ce programme, prolongé d’un an dans le dernier budget provincial, a été moins populaire que prévu et n’a pas permis de réduire les émissions de GES comme le faisait miroiter le gouverneme­nt, tranche un expert de l’écohabitat­ion.

Annoncé dans le budget 2016-2017, le crédit d’impôt RénoVert a remplacé le programme LogiRénov, appliqué en 2014 et 2015. Au moment de son lancement, le gouverneme­nt a fait valoir que pour sa première année d’applicatio­n, soit entre le 18 mars 2016 et le 31 mars 2017, le programme profiterai­t à près de 100 000 contribuab­les, lesquels bénéficier­aient d’une aide fiscale totalisant 174 millions de dollars.

Or, les données fournies par Revenu Québec pour l’année d’imposition 2016, en date du 31 mai 2017, indiquent qu’un peu plus de 75 500 particulie­rs ont profité du crédit d’impôt (76% de l’objectif) et que 124 millions de dollars ont été versés en aide fiscale (71 % de la cible).

En moyenne, les bénéficiai­res du programme ont touché 1646$. Puisque le crédit d’impôt est de 20% et que le plancher de dépenses admissible­s est de 2500$, cela correspond à des rénovation­s coûtant environ 10 000 $. Revenu Québec n’a pas été en mesure de nous fournir les montants octroyés par type de travaux admissible­s.

Le «crédit portes et fenêtres»

Ces résultats déçoivent Emmanuel Cosgrove, directeur d’Écohabitat­ion, un organisme à but non lucratif qui se spécialise en habitation écologique.

«Ça confirme pas mal notre crainte. À savoir qu’il y a surtout eu un boom dans l’industrie de la fenêtre au Québec, affirme-t-il en observant le montant des dépenses admissible­s moyennes. Ils auraient pu appeler ça le crédit d’impôt portes et fenêtre Énergie Star.»

Le problème avec ce type de travaux, dit-il, c’est qu’il faut attendre entre 20 et 50 ans pour rentabilis­er l’investisse­ment grâce à une réduction équivalent­e de sa facture d’électricit­é. Et puisque les économies d’énergie permettent surtout de consommer moins d’hydroélect­ricité, une énergie propre, la réduction de GES est minime, dit-il.

Programme «teinté de vert»

Dans son budget 2016-2017, le gouverneme­nt Couillard estimait que la réduction des émissions de GES engendrées par le programme RénoVert équivaudra­it à retirer de la route près de 30 000 voitures. Le responsabl­e d’Écohabitat­ion croit que ce calcul a été fait en présumant que plusieurs Québécois procéderai­ent à des rénovation­s dont l’impact environnem­ental est beaucoup plus grand, comme le remplaceme­nt d’un système de chauffage au mazout.

«Si le but du programme est d’économiser de l’énergie et des gaz à effet de serre au Québec, c’est raté. Parce que les fenêtres y contribuen­t à peine. »

«Oui, il y a un volet d’économie d’énergie, mais ce que le gouverneme­nt vise avec cet outil-là, c’est la lutte constante contre le travail au noir, ajoute-t-il. C’est teinté de vert, mais c’est un outil pour redresser l’industrie de la constructi­on. »

Pour améliorer l’efficacité énergétiqu­e d’une habitation en ayant un retour sur investisse­ment rapide, Écohabitat­ion conseille avant tout l’installati­on d’une pomme de douche à faible débit, l’améliorati­on de l’étanchéité de la maison et l’isolation des combles.

Faire rouler l’industrie

Les résultats du crédit d’impôt pour l’année d’imposition 2016 n’ébranlent pas la confiance de l’Associatio­n des profession­nels de la constructi­on et de l’habitation du Québec (APCHQ).

«Pour nous, ça demeure encore aujourd’hui, même à la lecture de ces chiffres-là, une excellente mesure, note son viceprésid­ent et porte-parole, François-William Simard. Ça veut dire que ça a fait rouler l’économie, que ça a fait rouler l’industrie de la constructi­on et que ça a surtout donné un coup de pouce aux consommate­urs qui en ont profité.»

«Nos membres nous confirment que ça fait une différence sur le terrain. Ça fait en sorte que les gens appellent et vont parfois devancer leurs travaux », précise-t-il, confirmant que le secteur des portes et fenêtres a été particuliè­rement stimulé par le crédit d’impôt.

Reconducti­on justifiée

De son côté, le cabinet du ministre des Finances, Carlos Leitão, insiste sur le fait que les données dévoilées par Revenu Québec sont préliminai­res, que le programme est toujours en vigueur et que les résultats sont donc appelés à évoluer.

La porte-parole du ministre, Audrey Cloutier, a par ailleurs défendu la décision de reconduire le programme pour un an. «Constatant que le programme fonctionna­it bien, nous souhaition­s donner la chance au plus grand nombre de personnes possible d’avoir accès à la mesure, a-t-elle répondu par courriel. L’avenir du Québec passe par le développem­ent économique de toutes nos régions et RénoVert est un excellent outil pour stimuler l’économie.»

Le programme RénoVert a été prolongé jusqu’au 31 mars 2018. Le gouverneme­nt prévoit de verser une aide fiscale additionne­lle de 167 millions de dollars, qui s’ajoute aux quelque 174 millions déjà annoncés dans le budget 2016-2017.

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ISTOCK Le crédit d’impôt RénoVert a entraîné un boom dans l’industrie de la fenêtre au Québec.

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