La traque du papillon monarque
Le papillon monarque, dont la population a connu un déclin dramatique au cours des dernières années, est revenu de son périple qui l’a mené jusqu’au Mexique. Abondants il y a une vingtaine d’années, les monarques se font beaucoup plus rares aujourd’hui. Mais les initiatives se multiplient au Québec et ailleurs pour venir à la rescousse de ce papillon emblématique.
Dans le jardin à monarques aménagé dans un recoin du Jardin botanique de Montréal, l’entomologiste Maxim Larrivée examine chaque feuille d’asclépiade afin de débusquer une chenille rayée de noir, de jaune et de blanc. Il est déçu. Il n’en trouve aucune. Pourtant, la veille encore, l’une d’elles y avait été découverte. Elle n’y est plus.
Chef de la section Collections entomologiques et recherche à l’Insectarium de Montréal, Maxim Larrivée dirige «Mission mo-
narque», un projet lancé en juin 2016 qui invite les Canadiens à recenser les plants d’asclépiade qui croissent près de chez eux et à dénombrer les oeufs et les chenilles de monarques dans le but d’élaborer un plan de conservation.
En 20 ans, la population des monarques a chuté de 90%. Elle ne compterait que 60 millions d’individus alors que, pour assurer la résilience de l’espèce, il en faudrait 250 millions.
Malgré sa recherche infructueuse dans les plants d’asclépiade, Maxim Larrivée soutient que les monarques sont plus nombreux cette année au Québec que l’an dernier. «Cette année, on a eu de belles conditions de migration avec des vents du sud qui ont poussé les papillons vers le nord. De plus, les occasions de reproduction au Texas ont été adéquates. Ça explique la quantité de monarques qu’on a», indique l’entomologiste.
En 2016, plus de 300 Canadiens ont participé à Mission monarque. Maxim Larrivée croit que, cette année, un millier de participants pourront être recrutés à l’échelle du pays. Au début d’août, les citoyens américains et mexicains seront mis à contribution afin de dresser un premier portrait de l’aire de reproduction des monarques en Amérique du Nord.
L’indispensable asclépiade
La clé du succès pour la protection du monarque, c’est l’asclépiade. Cette plante indigène aux fleurs roses odorantes aime les terrains ouverts et en friche. Décrite par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation comme une « mauvaise herbe », cette plante est la seule nourriture de la chenille du monarque. Autrefois abondante, elle a été progressivement éliminée, entraînant dans sa chute le papillon monarque.
C’est d’ailleurs sur la plantation d’asclépiade que la Fondation David Suzuki mise pour inciter les citoyens à mettre la main à la pâte. Des asclépiades disséminées dans les plates-bandes avec d’autres plantes nectarifères, sur les balcons ou dans les ruelles, sont autant d’oasis propices aux monarques. « On aime mieux avoir de l’asclépiade partout dans la ville plutôt qu’un énorme massif à un seul endroit», explique Julie
Roy, spécialiste en engagement du public à la Fondation David Suzuki.
Dans le cadre de sa campagne de sensibilisation «l’Effet papillon » lancée en 2016, la Fondation David Suzuki a recruté une «patrouille papillon» composée en partie de professeurs qui ont développé des projets liés à la protection des monarques dans leurs écoles.
Julie Roy soutient que le projet a dépassé les attentes: « En plantant une graine auprès de la population, ç’a pris des dimensions qu’on n’attendait pas du tout. C’est un projet porteur et positif. Ce n’est pas comme si on s’opposait à un pipeline.»
Montréal amie des monarques
Montréal a récemment adopté une déclaration pour devenir une ville amie des monarques. À ce jour, plus de 300 villes aux États-Unis, au Mexique et au Canada ont signé cet engagement. « C’est certain que ça reste symbolique dans la mesure où il n’y a pas d’obligation légale, mais ces villes s’engagent à prendre trois actions dans les 25 qu’on leur propose», souligne Julie Roy.
Parmi ces engagements, les villes peuvent organiser des distributions de graines ou de plantules d’asclépiade, transformer des terrains à l’abandon en zones d’habitat pour le monarque ou planter des asclépiades dans les terre-pleins de voies de circulation.
Les arrondissements de Saint-Laurent et de Rosemont– La Petite-Patrie sont eux aussi devenus amis des monarques. En 2009, Saint-Laurent avait créé une station montréalaise certifiée Monarch Watch dans la friche du boisé du parc Marcel-Laurin. L’arrondissement a aussi fait un aménagement propice aux papillons devant la bibliothèque du Boisé. « C’est très naturel, avec des plantes indigènes et nectarifères. Souvent, les gens pensent qu’on a laissé ce terrain à l’abandon, mais ce n’est pas le cas du tout », explique le maire Alan DeSousa.
De son côté, Rosemont–La Petite-Patrie prévoit aménager un jardin à papillons à l’angle de l’avenue Laurier et du boulevard Pie-IX et a planté des asclépiades au parc des Locomotives ainsi que dans la ruelle Basile-Patenaude, précise Judith Gratton Gervais, chargée de communication.
La Fondation David Suzuki incite aussi des partenaires privés et publics à penser aux monarques. L’asclépiade est déjà présente dans les emprises de lignes d’Hydro Québec, note la porte-parole de la société d’État, Geneviève Chouinard. En collaboration avec l’Institut de recherche en biologie végétale de l’Université de Montréal, Hydro-Québec a entrepris de tester des mélanges de semences dans les emprises pour voir lesquelles s’y développent le mieux. L’asclépiade en fait partie. L’objectif est double, soit de ne pas
avoir à faire d’entretien et de favoriser la biodiversité, explique Mme Chouinard.
« Il y a 20 ans, on ne se préoccupait pas d’étudier le monarque parce qu’il était partout, rappelle Maxim Larrivée. On tenait pour acquis qu’il ne disparaîtrait jamais de notre paysage, un peu
comme la tourte au début des années 1900. C’est la même chose pour les pollinisateurs. Ils déclinent tellement rapidement que pour que les solutions soient mises en place, il faut qu’il y ait des changements à tous les niveaux.»