Le Devoir

L’héritage du Grand Maître du taekwondo

- AMÉLI PINEDA

Mentor de milliers de Québécois et de Canadiens, le Grand Maître Chong Son Lee, qui a fait connaître le taekwondo au pays, s’est éteint le 5 juillet dernier. L’héritage de ce géant du taekwondo restera quant à lui bien vivant, puisque les premiers élèves qu’il a formés dans les années 1970 promettent de perpétuer l’enseigneme­nt de cet art martial coréen.

Depuis un peu plus de deux ans, Chong Son Lee était atteint d’un cancer du côlon, mais était resté discret sur son état de santé.

Il y a trois semaines à peine, l’homme de 79 ans visitait encore des écoles de taekwondo pour aider les jeunes à perfection­ner leurs techniques.

«Le taekwondo, c’était un mode de vie pour lui. Son horaire était toujours plein et il voulait être avec les élèves jusqu’à la fin. Il a d’ailleurs donné des séminaires il y a quelques semaines », raconte le Maître Evangelos Ligerios, un de ses anciens élèves, devenu son associé.

L’homme de 46 ans n’avait que 12 ans en 1982 lorsqu’il a franchi la porte de l’école de taekwondo du boulevard Saint-Laurent, à Montréal, fondée par le Grand Maître Chong Son Lee.

Un déclic

Lorsqu’il a amené le taekwondo au Québec, les films de combat de Bruce Lee faisaient fureur, se rappelle Hélène Caron, la conjointe du défunt.

«Les Québécois étaient déjà affamés d’arts martiaux et lui, son rêve, c’était d’enseigner. Lorsqu’il a fait sa première prestation en 1964 à l’ancien aréna Paul-Sauvé, ça a été le déclic. Après sa performanc­e, il y avait 200 personnes qui voulaient s’inscrire à un cours avec lui», mentionne Mme Caron.

Sa philosophi­e a touché, 53 ans plus tard, au-delà de 400 000 Canadiens et a été reprise dans des centaines d’écoles de taekwondo à travers la province.

«C’était un homme qu’on pouvait regarder des heures. Il avait une prestance impression­nante. Il m’a transmis sa passion. Avec lui, on comprenait rapidement que le taekwondo, c’était une façon de transmettr­e des valeurs comme le respect, la capacité de vaincre ses peurs, d’écarter l’ego», souligne le Maître Raymond Mourad, vice-président de Taekwondo Canada.

Ce dernier a aussi eu la chance d’être entraîné par le Grand Maître Chong Son Lee durant sa carrière. Un de ses plus beaux souvenirs remonte à 2001, lorsqu’il a pris sa retraite comme athlète.

«Je me rappelle ma dernière compétitio­n. Le Grand Maître était stressé. J’avais 37 ans, j’ai été le dernier de ses premiers élèves à se retirer. Je lui avais promis de gagner et c’est ce que j’ai fait. On était contents, je me souviens de l’avoir pris dans mes bras et embrassé. Je savais qu’il était fier de ce qu’on avait accompli ensemble», dit M. Mourad, qui a aujourd’hui son école de taekwondo dans le quartier Notre-Dame-deGrâce, à Montréal.

Persévéran­ce

L’héritage de Chong Son Lee n’a pas de frontière. Le légendaire Grand Maître avait l’habitude de voyager à travers une quarantain­e de pays.

À Québec, Bobby Aubé se souviendra toujours de la fois où il lui a demandé une vingtaine de fois de reprendre un mouvement devant toute sa classe.

« Il faisait une démonstrat­ion et m’avait demandé de l’assister. Je me rappelle, il me disait “Recommence, tu vas l’avoir”. Il me l’a répété au moins 20 fois et, soudaineme­nt, j’ai vu ses yeux briller de fierté. J’avais réussi. C’était ça qui était frappant chez lui, il était strict, mais très humain», témoigne celui qui a eu la chance de recevoir sa ceinture noire des mains du Grand Maître Lee.

Prendre la relève n’est toutefois pas facile pour ceux qui ont grandi aux côtés du Grand Maître. Evangelos Ligerios avoue avoir hésité à poursuivre sans son mentor à ses côtés.

«Je savais qu’il était malade, mais je n’avais jamais imaginé l’école sans lui. Pendant un instant, je me suis dit que je ne pouvais pas continuer sans lui, mais après j’y ai réfléchi et j’ai réalisé que, justement, pour rendre hommage à tout l’enseigneme­nt qu’il s’est efforcé de transmettr­e, pour toutes les années qu’il a consacrées au perfection­nement de cet art, je devais reprendre le flambeau », confie-t-il.

Le Grand Maître Chong Son Lee a toujours été reconnu pour être une personne humble. Même s’il n’a jamais aimé les louanges, sa famille est convaincue qu’il est parti fier du legs laissé. L’homme originaire de la Corée du Sud avait quitté son pays natal en 1962. Il s’était d’abord établi à Washington avant de venir s’installer au Québec, où son but était de fonder son école.

En 2014, lors d’une entrevue accordée au Devoir pour les 50 ans du taekwondo au Canada, il confiait vouloir servir jusqu’à son dernier souffle.

«En donnant, tu reçois. Tu le vois dans les yeux de tous ces enfants, de tous ces maîtres», disait-il.

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ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR Les disciples du Grand Maître Chong Son Lee étaient émotifs, dimanche.

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