Les cimetières du futur
C’est mon père qui le premier m’a fait fréquenter les cimetières de partout où nous allions, enfant, parcourant l’est du Canada et des États-Unis en camping. Il nous sensibilisait aux aspects historiques et culturels que pouvaient révéler ces lieux que nous parcourions tranquillement à voix basse. Mon grand-père maternel, lui, avait un atelier rue Saint-Vallier attenant au cimetière SaintCharles à Québec. Il y taillait des pierres tombales pour garder trace des gens qui reposaient au cimetière d’en face. Lui-même, ma grand-mère, mes parents, certains de ses enfants et petits-enfants y sont regroupés sous la stèle qu’il a taillée lui-même juste avant sa mort. Je pensais les rejoindre. Mais si je demande l’apostasie du catholicisme, serais-je refusée? En effet, avec la tuerie de la mosquée de Québec, je découvre que ces lieux que je pensais paisibles et au-dessus des enjeux des vivants peuvent créer la discorde: ils sont confessionnels, donc les musulmans, entre autres, ne peuvent y être enterrés… Conséquemment, un lieu de sépulture doit être créé par et pour les musulmans de la région de Québec, d’où l’achat d’un terrain à Saint-Apollinaire. On croirait arriver à la fin de l’histoire, mais malgré l’ouverture de la communauté au projet, un référendum est demandé par des citoyens ayant récolté le nombre suffisant de signatures. Donc, le projet sera soumis aux voix des citoyens le 16 juillet prochain et, au pire, pourrait être rejeté. Même s’il est accepté, quelle triste saga pour une communauté qui vient de perdre dans la violence plusieurs membres de sa communauté. Mais où donc sont mis en terre les apostasiés, les excommuniés, les athées, les pratiquants du bouddhisme, de l’hindouisme, du judaïsme et de bien d’autres religions dans la région de Québec et ailleurs? Pourquoi ne pas penser à créer partout au Québec des enclaves laïques dans les cimetières confessionnels existants? Ou créer des cimetières laïques où les citoyens ayant des liens d’appartenance forts avec leur religion pourraient se regrouper, mais où aucune religion ou nonreligion ne pourrait être refusée? Il est temps de créer ces lieux neutres et inclusifs pour que nos morts reposent en paix en tant que citoyens et citoyennes et non en étant et séparés selon leurs croyances religieuses. Marthe Savoie, retraitée Vieux-Longueuil, le 8 juillet 2017