Le Devoir

Navalny, l’homme dont Vladimir Poutine ne peut prononcer le nom

- PAUL GOGO à Moscou

Ces derniers jours, les perquisiti­ons et les arrestatio­ns de militants soutenant l’opposant russe se sont multipliée­s. L’objectif: faire disparaîtr­e les liasses de tracts devant être distribués lors des actions du week-end destinées à fêter la sortie de prison de Navalny.

Les jeunes militants soutenant Alexeï Navalny poursuivai­ent leurs actions ce dimanche midi devant les stations de métro de Moscou comme dans de nombreuses villes en région. Ce week-end, l’opposant et candidat à la présidenti­elle russe de 2018 a appelé ses partisans à descendre dans la rue pour faire campagne

en son nom dans les lieux publics, une manière de célébrer sa sortie de prison. Navalny a été libéré vendredi, après vingt-cinq jours de détention, après avoir été arrêté le 12 juin, accusé d’avoir organisé un rassemblem­ent illégal dans le centre-ville de Moscou.

Les brochures distribuée­s par les militants s’attaquent au premier ministre, Dmitri Medvedev, que Navalny a érigé en symbole de la corruption au plus haut niveau du pouvoir russe. Depuis vendredi, les activistes font face à une répression sans précédent. Des responsabl­es des bureaux de campagne de l’opposant en région ont été arrêtés par la police, et même tabassés par des inconnus dans l’ensemble du pays. À Moscou, Alexander Tourovski, 25 ans, a été roué de coups par trois policiers en civil cagoulés, alors qu’il dormait dans le QG moscovite. Les agents se sont débarrassé­s des tracts entreposés dans le local et ont définitive­ment fermé le bureau. Le jeune militant, enfermé pendant douze

heures sans eau ni téléphone, a été condamné à 500 roubles d’amende (7euros) et diagnostiq­ué d’un léger traumatism­e crânien à l’issue de sa garde à vue.

Déjà 130 arrestatio­ns

Ces derniers jours, les fermetures de QG pro-Navalny et les perquisiti­ons se sont multipliée­s. L’objectif: faire disparaîtr­e les liasses de tracts prévus pour l’action de ce weekend. À Novossibir­sk, en Sibérie, des militants ont dû évacuer le matériel de campagne par la fenêtre de leur local pendant que la police investissa­it les lieux. Samedi, à Moscou, un homme a été arrêté parce qu’il transporta­it un ballon à l’effigie d’Alexeï Navalny dans le coffre de sa voiture. 130 personnes, dont onze mineurs, ont déjà été arrêtées ce week-end en Russie. Dimanche midi, des militants, souvent très jeunes, ont repris position devant les entrées du métro. La police pourrait procéder à de nouvelles arrestatio­ns.

La police semble prise d’une panique irrationne­lle lorsque les rassemblem­ents ont un lien avec Alexeï Navalny. C’est la première fois en Russie que des militants sont arrêtés en masse pour avoir distribué des tracts politiques. Cette peur paraît d’autant moins compréhens­ible que le candidat a récemment été déclaré inéligible par la Commission électorale centrale. Il ne pourra donc normalemen­t pas participer à la présidenti­elle de 2018, à laquelle Vladimir Poutine ne s’est d’ailleurs pour le moment pas déclaré candidat.

Le titulaire du titre d’opposant principal au président russe semble remporter un succès inattendu chez les jeunes génération­s, imperméabl­es à la propagande du Kremlin. Alexeï Navalny, interdit de médias nationaux, reste très peu connu en dehors de Moscou. « Je ne sais pas si le Kremlin est en train de radicalise­r ses actions contre Alexeï Navalny, mais je ne pense pas que la campagne présidenti­elle que Navalny mène ait pour but de remporter l’élection. Son objectif est de montrer qu’il est le seul opposant en Russie. Il a quasiment achevé son objectif », a estimé le politologu­e Stanislav Belkovsky, interrogé ce week-end sur la radio Écho de Moscou.

Vladimir Poutine, lui, ignore constammen­t le statut d’opposant de Navalny. Le président russe s’est même lancé dans un «ni-oui ni-non» avec pour objectif de ne jamais citer le nom de son opposant. Interrogé sur la question à Hambourg à l’occasion du G20, Vladimir Poutine a brièvement déclaré à propos de Navalny, une nouvelle fois sans le nommer : «Je pense qu’on ne peut discuter qu’avec des gens qui proposent des choses constructi­ves. Mais quand l’objectif n’est que d’attirer l’attention, cela n’encourage pas au dialogue. »

Le président russe s’est même lancé dans un « nioui ni-non » avec pour objectif de ne jamais citer le nom de son opposant

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KIRILL KUDRYAVTSE­V AGENCE FRANCE-PRESSE Alexeï Navalny s’est adressé aux médias vendredi, après avoir été libéré de prison.

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