I Musici et Les Violons du Roy s’unissent et se dépassent
FESTIVAL DE LANAUDIÈRE «I MUSICI ET LES VIOLONS DU ROY: DOUBLEZ VOTRE PLAISIR!» Beethoven: Symphonies n° 3 et 7. Schubert: Symphonie n° 8. « Inachevée », dirigées par JeanMarie Zeitouni. Haydn: Symphonie n° 104. Mozart: Symphonie n° 40. Beethoven : Symphonie n° 5, dirigées par Bernard Labadie. Amphithéâtre Fernand-Lindsay, samedi 8 et dimanche 9 juillet 2017.
L’idée de réunir I Musici et Les Violons du Roy n’est pas une élucubration: Jean-Marie Zeitouni a longtemps été le bras droit de Bernard Labadie et les deux ensembles travaillent dans le même sens, avec la même conscience esthétique. Unir les ensembles et les renforcer par des instruments à vent permet d’avoir un orchestre d’élite d’une cinquantaine de musiciens.
Le nouveau directeur artistique du Festival de Lanaudière, Gregory Charles était là, cette fois, pour accueillir les festivaliers, hélas trop épars. Les bons mots fusaient, le volubile maître de cérémonie voyant dans la programmation des Symphonies 3, 7, 5 de Beethoven un «hommage à une ville de banlieue de Lanaudière». Le Devoir peut néanmoins révéler à ses lecteurs qu’il s’agit plutôt du reliquat d’un projet avorté d’intégrale des Neuf Symphonies de Beethoven, compositeur ô combien cher au père Lindsay, qui devait être au coeur de cette édition du 40e anniversaire.
Il n’y a pas lieu de blâmer qui que ce soit ici puisque le festival 2017 a été monté dans des conditions peu ordinaires. Ceci posé, si, pour l’heure, le Verbe vole haut, il conviendra de nous convaincre très vite qu’il ne sonne pas creux.
Une maturation exceptionnelle
Sur scène, c’était tout autre chose. Comment synthétiser en quelques lignes autant de matière, autant d’acquis, autant de maturation de la part de Jean-Marie Zeitouni? Le chef québécois sort magnifié de cette fin de semaine. Pour mettre les choses en perspective, la quasi-perfection stylistique de ses Symphonies n° 3 et 7 de Beethoven contrastait violemment avec l’insondable inculture de la 1re de Brahms, en février, du «petit chouchou» de l’OSM, soi-disant favori à la succession de Kent Nagano, Vasily Petrenko.
Souvent crispé dans ses tentatives antérieures, Jean-Marie Zeitouni a maintenu l’influx rythmique et dynamique des symphonies, mais en lâchant la bride aux musiciens quitte à ce que quelques petites imperfections d’exécution sans importance se glissent dans la 7e.
Zeitouni m’a positivement sidéré en enchaînant attacca les 1er et 2e mouvements de la 7e : peu de chefs ont cette intuition aussi géniale qu’évidente. Sa jubilatoire troisième tentative, ici, dans cette oeuvre, était vraiment la bonne: heureusement elle a été captée par Radio-Canada.
Il serait injuste de faire de ces multiples réussites une simple affaire de chef. La réunion des deux groupes de cordes s’est parfaitement effectuée; le timbalier Julien Compagne a effectué les bons choix et les bois et cuivres étaient magnifiquement choisis, avec un pupitre de cors si glorieux qu’on en citera les membres: Martin Limoges, Nadia Côté, Marjolaine Goulet. On y ajoutera la qualité des équilibres sonores et une disposition parfaite sur scène, sauf dans la 8e de Schubert qui aurait mérité un groupe violoncelles-contrebasses plus compact, peut être déporté sur la droite.
Ce qui reste à mûrir, musicalement, pour Jean-Marie Zeitouni, c’est l’interpénétration des phrases entre les groupes instrumentaux dans le 2e mouvement de l’Inachevée et la conception des notes pointées (sont-elles tenues ou piquées?) dans le mouvement lent de l’Héroïque. Il y avait davantage de choses à relever la semaine passée dans la 5e de Mahler de Kent Nagano, chef qui dirigeait vendredi dernier à Hambourg la 9e de Beethoven devant les dirigeants du G20 (sauf M. Erdogan)…
Revirement de dernière minute
Bernard Labadie a mené avec toutes les reprises une grande 40e de Mozart quasi tragique dont le 2e thème du 2e mouvement semblait anticiper la 6e Symphonie de Mahler, une correspondance qui ne m’avait jamais sauté aux yeux.
Ce furent les dernières forces qu’il jeta dans la bataille. Aux prises avec un zona, Labadie dut déclarer forfait dimanche. L’orchestre joua sans chef, mené fermement par le violon de Pascale Giguère, la 104e de Haydn et, avec Jean-Marie Zeitouni, qui avait accepté de retarder son départ pour le Colorado, la 5e de Beethoven.
Le type de travail préparatoire de Bernard Labadie, qui ne laisse rien au hasard, facilitait cette marge de manoeuvre. Pascale Giguère n’a fait aucune concession sur le tempo du Finale de Haydn et a maîtrisé le délicat trio du 3e mouvement. Jean-Marie Zeitouni a cadré la 5e, évitant toute perte d’intensité, l’orchestre déployant toutes les nuances préparées par le chef absent. Grand coup de chapeau à tous.