Le Devoir

Un sauveteur de cétacés tué par une baleine

Le fondateur d’une équipe spécialisé­e périt au large du Nouveau-Brunswick

- ALEXANDRE SHIELDS

Accident tragique au large du Nouveau-Brunswick lundi. Un des fondateurs de la Campobello Whale Rescue Team (CWRT), qui libère chaque année plusieurs baleines empêtrées dans des engins de pêche, a été tué par une baleine noire qu’il venait justement de libérer.

Joe Howlett, 59 ans, de l’île Campobello, au NouveauBru­nswick, a été tué dans le golfe du Saint-Laurent au large de Shippagan, dans la Péninsule acadienne.

Mackie Green, de l’Équipe de sauvetage des baleines de Campobello, a expliqué mardi que son confrère aurait été heurté par la baleine qui venait tout juste d’être libérée et qui s’apprêtait à repartir.

« Ils l’avaient complèteme­nt dépêtrée et ensuite, quelque chose d’étrange est survenu et la baleine a fait un gros saut », a dit M. Green, qui menait régulièrem­ent ce genre d’opération avec M. Howlett depuis 2002.

«Joe ne voudrait sûrement pas qu’on arrête à cause de cela. C’est quelque chose qu’il aimait et il n’y a pas un meilleur sentiment que de libérer une baleine, et je sais à quel point il se sentait bien après avoir libéré cette baleine », a-t-il ajouté.

Joe Howlett participai­t en effet à une énième opération très risquée de libération d’une baleine noire de l’Atlantique Nord empêtrée dans un engin de pêche, quelques jours à peine après avoir libéré un autre animal de cette espèce en voie de disparitio­n.

Expertise unique

Ce genre de situation, qui implique également souvent des baleines à bosse, est d’ailleurs « fréquent » dans les eaux de l’Est canadien, rappelle le directeur scientifiq­ue du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM), Robert Michaud.

La CWRT est d’ailleurs une des seules dans tout l’est du pays à pouvoir intervenir pour libérer des baleines, et plus particuliè­rement des baleines noires. « Les équipes doivent être très bien formées pour répondre à ce genre de situation, parce que cette espèce peut être imprévisib­le. C’est le cas de l’équipe de Campobello, qui a mené ce genre d’opération plusieurs dizaines de fois», souligne M. Michaud.

La CWRT s’était même déplacée au Québec en 2013 pour participer aux tentatives malheureus­es de libération du rorqual commun Capitaine Crochet, une véritable «vedette » du parc marin du Saguenay–Saint-Laurent. Elle peut d’ailleurs être appelée sur différents cas qui se déroulerai­ent dans les eaux québécoise­s, précise M. Michaud.

Ce genre d’opération, menée le plus souvent à bord de zodiacs, est d’autant plus dangereuse que les baleines à libérer peuvent facilement dépasser les 15 mètres de longueur et peser plus de 60 tonnes. Qui plus est, des animaux en détresse et épuisés peuvent se débattre et représente­r un risque majeur pour les spécialist­es qui tentent d’intervenir pour leur venir en aide.

Pêcheurs et baleines

Joe Howlett et son collègue Mackie Green ont fondé ensemble en 2002 la Campobello Whale Rescue Team, une entreprise d’observatio­n, mais aussi de sauvetage des baleines.

Leur objectif, rappelle M. Michaud, était d’aider les animaux, mais aussi les pêcheurs, qui doivent parfois gérer des situations où des baleines s’empêtrent dans leurs engins de pêche, qu’il s’agisse de filets, de casiers à homards ou de cages de crabes.

Pour Jerry Conway, de l’Institut canadien des baleines, la mort de M. Howlett est donc une grande perte pour la communauté des pêcheurs et des scientifiq­ues qui travaillen­t à aider les baleines piégées dans des engins de pêche, une des deux principale­s causes de mortalité pour les baleines noires.

Le directeur scientifiq­ue du GREMM estime en outre que la présence possibleme­nt de plus en plus fréquente des baleines noires dans le Saint-Laurent devrait susciter une « réflexion » sur les moyens mis en place pour le sauvetage de ces animaux.

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CENTER FOR COASTAL STUDIES Les opérations pour libérer des baleines de plus de 60 tonnes sont toujours risquées pour les sauveteurs.

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