Le Devoir

Raymond Bachand, négociateu­r en chef pour le Québec

- CAROLINE PLANTE à Québec

L’ancien ministre des Finances Raymond Bachand a été nommé négociateu­r en chef pour le Québec dans le dossier de la renégociat­ion de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), a appris La Presse canadienne.

M. Bachand était déjà conseiller spécial du gouverneme­nt québécois dans ce dossier depuis février. Son mandat sera de représente­r le Québec auprès des instances provincial­es et fédérales, des gens d’affaires et des syndicats, afin de défendre les intérêts du Québec durant les pourparler­s, qui seront lancés à la mi-août.

«Je suis très heureux de continuer ce que j’ai commencé depuis quelques mois, a-t-il déclaré lors d’un entretien téléphoniq­ue, mardi, auquel la ministre de l’Économie, Dominique Anglade, a aussi pris part. C’est ou bien le plus grand “non-event” depuis longtemps, ou bien le dossier économique le plus important de l’histoire du Canada depuis 25 ans», a-til dit, ajoutant que le défi de moderniser l’entente avec les États-Unis et le Mexique sera certaineme­nt «passionnan­t».

Le Québec cherche en quelque sorte à reproduire l’expérience vécue lors de la négociatio­n de l’Accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne (AECG).

Le gouverneme­nt Charest avait alors nommé l’ancien premier ministre Pierre Marc Johnson négociateu­r en chef du Québec. Après huit ans de négociatio­ns, M. Johnson et son équipe avaient facturé plus de 3 millions aux contribuab­les québécois.

Par souci de transparen­ce, M. Bachand a dévoilé qu’il facturera, tout comme M. Johnson, 400$ l’heure à l’État. Il s’attend à ce que les négociatio­ns cette fois-ci prennent moins de temps.

«Ce sont des milliards de dollars d’entente, a fait valoir la ministre Anglade. Pour moi, le jeu en vaut absolument la chandelle et, ce qu’il faut avoir surtout, c’est la meilleure personne pour le faire. […] Honnêtemen­t, on ne peut pas lésiner sur des milliards d’échanges et des milliers d’emplois qui dépendent de cette entente-là », a-telle poursuivi.

Le Québec défendra la gestion de l’offre

En 2015, selon le ministère de l’Économie, le Québec a exporté pour 59,4 milliards de marchandis­es aux États-Unis, ce qui représente plus de 72 pour cent de ses exportatio­ns internatio­nales.

Mme Anglade a souligné l’importance de passer à l’offensive pour que les intérêts du Québec, notamment sur la gestion de l’offre et la mobilité entre les deux pays, soient défendus.

«On a fait le choix de ce système [de gestion de l’offre] il y a plusieurs années et on veut s’assurer qu’il est maintenu lors des négociatio­ns qu’on va avoir», a-t-elle affirmé mardi.

Le système canadien de quotas et de contrôle des prix vise à assurer aux producteur­s de lait, d’oeufs et de volaille un revenu stable malgré les fluctuatio­ns du marché.

En avril, au Wisconsin, le président américain, Donald Trump, a critiqué l’industrie laitière, et a accusé le Canada de profiter des États-Unis dans le domaine des produits laitiers, du bois d’oeuvre et de l’énergie.

Mme Anglade a par ailleurs affirmé qu’il était impératif pour le Québec de défendre l’exception culturelle, ce droit pour un pays d’exclure la culture des échanges commerciau­x parce qu’elle n’est pas considérée comme une marchandis­e.

Le Québec gardera ainsi le cap sur les secteurs forts de son économie, tels que l’intelligen­ce artificiel­le et l’innovation, les sciences de la vie, l’aérospatia­le, le bois et l’agroalimen­taire, a-t-elle dit, ajoutant s’attendre à ce que les nouvelles technologi­es et le commerce en ligne soient encadrés dans le nouvel accord.

Il serait hasardeux de prédire lesquels des secteurs d’activités québécois seront les premiers bénéficiai­res d’une nouvelle entente avec les États-Unis, a ajouté M. Bachand, tout comme il est impossible de déterminer de possibles « perdants ». Le gouverneme­nt n’entend d’ailleurs pas produire d’études d’impact. «Je ne vois pas pourquoi on subirait des pertes dans aucun secteur», a-t-il affirmé.

Le gouverneme­nt a calculé que, grâce à l’entente avec l’Union européenne, 16 000 emplois seront créés chaque année, principale­ment dans les secteurs de l’aérospatia­le et de l’agroalimen­taire. Mais l’industrie laitière et le secteur de la production de fromages en prennent pour leur rhume alors qu’on s’attend à ce que 17 700 tonnes supplément­aires de fromages fins européens entrent au Canada. Les exportatio­ns de fromages européens vers le Canada vont pratiqueme­nt tripler, semant la panique chez les producteur­s fromagers québécois.

«Turbulence­s» politicomé­diatiques à l’horizon

De toute évidence, le processus de négociatio­ns qui débutera le mois prochain sera « particulie­r », a affirmé M. Bachand.

«Il va y avoir des turbulence­s politiques, médiatique­s, au cours des prochains mois venant de sénateurs, de congressme­n et de la Maison-Blanche, dans une négociatio­n qui ne sera pas tout à fait identique aux autres. Je pense qu’il faut respecter la façon dont chacun mène le jeu », a-t-il dit.

Car c’est bel et bien une joute qui s’amorce, mais une joute entre pays «frères», a-t-il renchéri. «Des fois, il y a des chicanes de famille, mais il y a toujours une réconcilia­tion. »

Dans un message enregistré vendredi, au ton des plus combatifs, M. Trump a signifié qu’il abolira l’ALENA « pour toujours» s’il n’obtient pas une renégociat­ion «totale».

M. Bachand, qui est conseiller stratégiqu­e chez Norton Rose, a confié en entrevue avoir une personnali­té «particuliè­rement calme ».

L’ex-ministre, qui préside maintenant l’Institut du Québec, a quitté la politique en 2013, après avoir échoué dans sa tentative de devenir chef du Parti libéral du Québec. Philippe Couillard avait alors remporté la course à la succession de Jean Charest.

Raymond Bachand a également été président-directeur général du Fonds de solidarité de la FTQ pendant quatre ans, à la fin des années 1990.

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CLÉMENT ALLARD PC M. Bachand devra défendre les intérêts québécois durant les pourparler­s, à partir de la miaoût.

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