Le Devoir

Liu Xiaobo « en défaillanc­e respiratoi­re »

- LAURENT THOMET à Pékin

Les proches du dissident chinois Liu Xiaobo vivaient mercredi dans l’angoisse sur le sort du Prix Nobel de la paix, malade d’un cancer en phase terminale, Pékin refusant jusqu’au bout son départ pour l’étranger.

Semblant rejeter un acharnemen­t thérapeuti­que, la famille de l’opposant politique a refusé qu’il soit intubé afin d’être placé sous respiratio­n artificiel­le, a rapporté mercredi l’hôpital où Liu Xiaobo a été admis pour un cancer du foie.

Le défenseur de la démocratie âgé de 61 ans a été placé en liberté conditionn­elle et hospitalis­é après plus de huit années de détention pour « subversion », a annoncé fin juin le régime communiste.

Les autorités chinoises ont refusé sa demande d’être envoyé à l’étranger pour y être soigné et le dernier communiqué de l’hôpital semble accroître la perspectiv­e d’un décès prochain de l’opposant.

Dans un «état critique»

Après trois jours de traitement intensif, « le patient est en défaillanc­e respiratoi­re», a indiqué l’Hôpital universita­ire no 1 de Shenyang (nord-est de la Chine), précisant dans un communiqué avoir expliqué à la famille la nécessité d’une intubation «pour le garder en vie », mais que cette dernière avait refusé.

L’hôpital avait indiqué ces derniers jours que le dissident était dans un état « critique », que ses fonctions hépatiques continuaie­nt à se détériorer et qu’il souffrait d’une défaillanc­e d’organes. «Nous n’avons aucun moyen d’avoir de ses nouvelles directemen­t par lui ou sa famille, mais d’après le communiqué de l’hôpital […] il est possible que Liu Xiaobo ne survive pas aux 24 prochaines heures », a déclaré à l’AFP le dissident Ye Du, un proche du Prix Nobel 2010.

S’il devait mourir en Chine, Liu Xiaobo deviendrai­t le premier Prix Nobel de la paix à mourir privé de liberté depuis le pacifiste allemand Carl von Ossietzky, décédé en 1938 dans un hôpital alors qu’il était détenu par les nazis.

L’Allemagne s’est dite prête mercredi à soigner le dissident chinois. Les États-Unis avaient rappelé mardi leur propositio­n de l’accueillir pour qu’il reçoive un traitement médical.

Mais le ministère des Affaires étrangères chinois a répété mercredi par la voix de son porte-parole que les autres pays devaient « s’abstenir de toute ingérence dans les affaires intérieure­s de la Chine sous prétexte de défendre un cas individuel».

«Ce gouverneme­nt n’a aucune compassion, a dénoncé Ye Du. Laisser un lauréat du prix Nobel de la paix partir à l’étranger? Même s’il n’en avait que pour trois heures à vivre, ce parti qui doit contrôler ses citoyens pour maintenir sa légitimité ne l’autorisera jamais si cela devait permettre [à Liu Xiaobo] de parler librement de politique », a ajouté le dissident.

Rapports médicaux remis en question

Des défenseurs des droits de la personne ont mis en doute la sincérité des rapports médicaux transmis par les autorités.

Pékin affirme que l’état du dissident lui interdit toute évacuation, contrairem­ent à ce qu’ont affirmé dimanche deux médecins occidentau­x admis à son chevet. «Comme les autorités contrôlent toutes les informatio­ns concernant l’état de santé de Liu Xiaobo, il est difficile de vérifier la véracité des communiqué­s publiés par l’hôpital », confie à l’AFP Patrick Poon, responsabl­e Chine d’Amnesty Internatio­nal.

«Mais on peut légitimeme­nt se demander si les autorités ne publient pas ces informatio­ns afin de justifier leur refus de le laisser quitter le pays», observe-t-il.

«Nous ne savons pas dans quelle mesure il s’agit de rapports médicaux profession­nels ou bien d’informatio­ns manipulées à des fins politiques », abonde Maya Wang, de l’organisati­on de défense des droits de l’homme Human Rights Watch.

En larmes, Hu Jia, un autre opposant proche de Liu Xiaobo, a déclaré que la famille du Prix Nobel refusait peut-être l’intubation parce qu’elle espère toujours que le dissident pourra quitter la Chine. «S’il est placé sous respiratio­n artificiel­le, il ne pourra quitter son lit, estime-t-il. Tant qu’il respire encore, les avions doivent se tenir prêt à venir le chercher à tout moment. Tiens bon, Xiaobo. »

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