Le Devoir

Le recours au privé diminue

La tendance amorcée au début de la décennie se poursuit

- ISABELLE PORTER à Québec

Le recours aux infirmiers et infirmière­s d’agences privées a diminué de 37% depuis deux ans dans le réseau de la santé, une baisse appelée à se poursuivre au cours des prochaines années.

L’an dernier, le réseau a payé 109 millions en salaires aux infirmière­s d’agences. C’est plus de 50 millions de moins qu’il y a deux ans.

À la fin des années 2000, ces entreprise­s « poussaient comme des champignon­s au Québec », explique Roberto Bomba, trésorier de la Fédération interprofe­ssionnelle de la santé (FIQ). Or, la tendance se renverse grâce à la convention collective conclue en 2011 avec le gouverneme­nt, dit-il. «On s’était donné l’objectif national de réduire ça de 40% au cours des années suivantes.»

Depuis, l’objectif a même été dépassé (56%), et le gouverneme­nt recommande aux établissem­ents de maintenir la part des heures données au privé sous la barre du 4%.

Le recours aux agences coûtait cher au gouverneme­nt, plaide M. Bomba, puisque leur personnel demande souvent deux fois le taux horaire des employés du réseau public. On a même vu, à une certaine époque, des employés du réseau prendre des congés sans solde pour aller travailler dans des établissem­ents voisins par l’intermédia­ire des agences, raconte-t-il.

Par contre, elles n’avaient pas droit à des avantages sociaux. On peut donc penser que l’économie s’annule au moins en partie lorsqu’on remplace le recours aux agences par une hausse des heures données aux employés réguliers.

De 1,8 million il y a deux ans, la facture du CHU de Québec est passée à 80 000$ pour des ser vices offerts par le secteur privé

Surtout dans les grands centres

La baisse concerne surtout les grands centres. Le CHU de Québec, par exemple, est l’un des endroits où le recours aux agences a le plus diminué depuis deux ans, passant de 1,8 million à 80 000 $ en salaires. «Ça a été possible grâce à une très grande collaborat­ion de nos partenaire­s syndicaux, explique Pascale Saint-Pierre, porte-parole du CHU. On a stabilisé des postes et diminué le temps partiel et occasionne­l.» Ainsi, les infirmiers et infirmière­s travaillen­t au minimum quatre jours, mais ont des horaires variables qui incluent des plages de nuit. «Avant, on avait des postes de nuit ou de jour. Évidemment, ceux de nuit étaient moins attirants, alors on avait besoin d’un plus grand apport de maind’oeuvre indépendan­te le soir, la nuit et les fins de semaine.»

Pour remplir les horaires, on a aussi demandé aux employés syndiqués de travailler sur plus d’un départemen­t, ajoute M. Bomba.

En plus de Québec, le déclin de la présence des agences est particuliè­rement marqué aux CISSS de l’Outaouais (-70%), de Chaudière-Appalaches (66%), des Laurentide­s (-60%), de la Montérégie (-60 %) et dans Lanaudière (-40 %).

Dans la métropole, le portrait est plus bigarré et varie énormément d’un établissem­ent à l’autre.

Au CIUSSS du Nord-de-l’Île, par exemple, la présence du personnel infirmier d’agences a diminué de 44% (de 19 à 10,6 millions en salaires), alors qu’elle a presque doublé au CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île (de 9 à 16 millions).

Du côté des hôpitaux, les infirmière­s d’agences étaient déjà peu présentes il y a deux ans, tendance qui se poursuit au CUSM et surtout au CHUM. Certains, comme l’Hôpital général juif, n’y ont carrément jamais eu recours.

La baisse des deux dernières années confirme la tendance des dernières années. Ainsi entre 2009 et 2015, leur nombre avait déjà diminué de 51 %.

Tout laisse croire par ailleurs que la désertion va se poursuivre, puisqu’un jugement rendu en faveur de la FIQ a établi en août dernier que les employés des agences devaient bénéficier des conditions prévues dans les convention­s collective­s publiques.

Certaines exceptions risquent toutefois de subsister, notamment dans les secteurs plus éloignés. Chez les Cris seulement, pas moins de 10 millions ont été payés en salaires à des infirmière­s et infirmiers d’agences. Et le CISSS de la Côte-Nord, malgré sa faible population, doit aussi largement recourir à ce type de maind’oeuvre (4,6 millions l’an dernier).

Services administra­tifs et auxiliaire­s

Le portrait est différent pour le personnel pa- ratechniqu­e, les services auxiliaire­s et les métiers, catégorie englobant les préposés aux bénéficiai­res, les cuisiniers, les responsabl­es du ménage, les gardiens.

Leur présence aussi diminue, mais plus lentement (en baisse de 14 % à 100 millions.) À certains endroits dans le réseau, elle s’est même accrue depuis deux ans comme au CHU, au CIUSSS de Québec ou encore au CHUM et dans différents CIUSSS de la région montréalai­se. Au CHU, on avance que « ce qui reste, c’est des

agents de sécurité». Seulement l’an dernier, c’est 4,6 millions en salaires qui leur ont été consacrés.

Même chose pour le personnel de bureau et les technicien­s en administra­tion (en baisse de 40% à 23 millions). Au CUSM, pas moins de 11 millions leur ont été consentis en salaires et, à Sainte-Justine, leur présence est en hausse depuis deux ans.

Contrairem­ent aux infirmiers, qui sont presque tous représenté­s par la FIQ, le personnel dit «périsoigna­nt» est représenté par plusieurs syndicats différents, comme la Confédérat­ion des syndicats nationaux (CSN) et le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP, affilié à la FTQ).

En raison des vacances, les deux centrales n’ont pas réussi jeudi à nous fournir de l’informatio­n sur leur stratégie en la matière.

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