Le Devoir

› Dans la cathédrale de BEYRIES.

- SYLVAIN CORMIER

«Les gens ont pris ce dont ils ont besoin à travers les textes et les musiques; c’est la plus belle chose au monde, pour moi.»

Avez-vous acheté ou reçu Landing, le premier album de BEYRIES (écrit en majuscules, prononcez «bérisse»)? Constat, après six mois d’indéniable succès: l’album a été acheté, racheté, racheté encore. Plusieurs exemplaire­s par client. Afin de l’offrir. Moins en cadeau qu’en mode de communicat­ion. Comme une manière de tendre la main, faute de mots. Pour vivre un deuil, donner de l’espace à la souffrance, faire la paix. Ça ne s’intitule pas Landing pour rien.

«C’est ce que je me fais dire beaucoup. Je voulais toucher les gens, sans nécessaire­ment raconter ce qui m’est arrivé.» Rappelons qu’à la fin de la vingtaine et au début de la trentaine, Amélie Beyries a combattu — et vaincu — deux cancers. Et que la musique, présente mais plutôt périphériq­ue avant, est devenue le centre de sa vie. La suite de sa vie. Landing est très peu le récit des sept ans de maladie, et beaucoup l’évocation sur de très douces mélodies de passages difficiles dans les relations humaines. « Les gens ont pris ce dont ils ont besoin à travers les textes et les musiques: c’est la plus belle chose au monde, pour moi. Je suis une petite parcelle de l’humanité, j’ai déposé quelques chansons, dont peutêtre personne ne se souviendra dans quelques années, mais qui, pour un certain temps, touchent des gens. J’ai vraiment beaucoup de chance de pouvoir me faire du bien et que ça serve au-delà de moi… »

«Les gens ont pris ce dont ils ont besoin à travers les textes et les musiques : c’est la plus belle chose au monde, pour moi BEYRIES

Chanter la «croissance post-traumatiqu­e»

Elle est lancée: Amélie Beyries a compris bien des choses, ces derniers mois. « Dans les premières entrevues, les cancers, c’était ça le propos. Normal: c’est la maladie qui a fait en sorte que je suis maintenant auteure-compositri­ce-interprète pour vrai. Je me serais sentie un peu menteuse si j’avais éludé ça. À l’égard de tous ceux qui m’ont soutenue dans cette étape capitale, j’aurais été injuste. Mais je me rends compte maintenant, à force de parler aux gens avant et après les spectacles, à quel point tout le monde souffre. Et que tout le monde essaie de s’en sortir le mieux possible. Je pense que mon album ne parle pas de mon histoire, mais de ce qui se passe après une épreuve, n’importe quelle sorte d’épreuve. N’importe quel changement majeur. Avoir des enfants, vivre une transforma­tion physique, une rupture amoureuse. Mon propos, c’est la croissance post-traumatiqu­e.»

Émotions en commun

Amélie pouffe de rire au bout du fil. «Ça reste des chansons qui peuvent bercer sans que l’on écoute les paroles, relativise-t-elle. J’ai écouté les Beatles toute ma jeunesse, et les textes, surtout leurs premières années, sont assez simples, mais la magie est toujours là, dans l’émotion.» Elle précise: «Je ne suis pas poète. Ni en français ni en anglais. Je ne suis pas musicienne de formation. Je joue, la mélodie vient, des mots viennent, je reçois tout ça. Et je fignole un peu après, c’est tout. Mon vrai travail, c’est m’assurer que je mets le doigt sur une émotion vraie, qu’on peut partager.»

«Il y a une humilité dans le partage. Si ça se trouve, ma carrière peut finir demain. Alors, tu partages pendant que tu peux. Je fais le Festival d’été de Québec, vais faire le Club Soda en septembre, et mon défi, c’est de rester connectée. Avant, je pensais qu’on pouvait partager notre expérience uniquement avec des gens qui ont vécu la même chose. Que seuls ceux qui ont eu un cancer pouvaient se comprendre. Je suis gaie, j’étais certaine qu’il y avait des choses que mes amis hétéros ne pouvaient pas comprendre. Ou les gens qui n’ont pas d’enfants, par rapport à ceux qui en ont. Mais ce n’est pas vrai: les relations, l’amour, la maladie, la mort, ça nous touche tous.»

Encore faut-il aller vers les autres. Les chansons de BEYRIES ont en commun — presque toutes — une entrée en matière solo, piano-voix ou guitare-voix, puis s’ajoutent des harmonies, un peu d’instrument­ation, et puis ça se déploie, l’intensité augmente, la réverbérat­ion aussi, on a l’impression d’entrer dans une cathédrale. Il y a là-dedans les arrangemen­ts d’Alex McMahon, le mixage de l’ami d’enfance Guillaume Chartrain, mais aussi une manière BEYRIES. «C’est mon pattern, je pense. C’est vrai qu’il a dans les chansons quelque chose du recueillem­ent qu’on vit quand on entre dans une église ou une cathédrale. Au-delà de la religion, ce sont des lieux apaisants et grandioses en même temps. Intuitivem­ent, c’est là que je veux emmener les gens. »

BEYRIES au parc de la Francophon­ie, ce dimanche à 19 h.

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GALIT RODAN LA PRESSE CANADIENNE «Je fais le Festival d’été de Québec, vais faire le Club Soda en septembre, et mon défi, c’est de rester connectée», réfléchit BEYRIES.
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