Le risque Trump
La hausse de 0,25% du taux directeur de la Banque du Canada fait beaucoup jaser, mais elle change peu de chose à court terme, sinon de lancer le signal d’une nouvelle direction à suivre pour tous les acteurs de la scène économique. Si menace il y a, c’est du Sud qu’elle nous vient.
Le plus grand risque qui pèse sur l’économie canadienne à l’heure actuelle n’est pas la hausse des taux d’intérêt, comme ce fut le cas déjà par le passé. Au contraire, il est temps que les taux remontent à un niveau plus neutre alors que l’économie s’approche de la pleine capacité de production et que le chômage est à son plus bas depuis longtemps. Les taux d’intérêt constituent l’outil le plus efficace de la politique monétaire d’un pays. On peut les réduire lorsque l’économie a besoin d’être stimulée ou au contraire les augmenter en période de surchauffe, quand l’inflation menace de provoquer une surenchère.
Dans une situation idéale, le niveau des taux ne devrait pas influencer les décisions d’investir ou de consommer de façon déterminante. Ce qui était devenu le cas depuis quelques années, au point de créer ce qui a toutes les apparences d’une bulle immobilière et de gonfler l’endettement au point de menacer la stabilité du système financier.
Depuis la dernière récession, la Banque du Canada a été très active en réduisant son taux directeur à plusieurs reprises jusqu’à frôler 0. L’obsession du gouvernement Harper pour un retour rapide à l’équilibre budgétaire lui interdisant d’accompagner les efforts de la banque centrale, celle-ci a dû assumer seule la responsabilité de la croissance. Depuis l’arrivée des libéraux, le changement de cap est spectaculaire, mais il n’a pas encore eu d’effets concrets à cause du trop court laps écoulé et des investissements limités.
Compte tenu du rétablissement de la situation, il faut d’ailleurs se demander si Ottawa ne devrait pas modifier son approche et libérer la marge de manoeuvre dont il aura besoin lors du prochain ralentissement au lieu d’agir comme si nous y étions encore en stagnation.
La hausse des taux ne représente donc pas un risque. Elle est plutôt le signal d’un retour à la normale et devrait contribuer à freiner certaines pratiques malsaines telles que la spéculation et l’emprunt à long terme contracté pour effectuer des dépenses courantes.
La normale pour combien de temps? On n’en sait rien, puisqu’il suffirait de peu pour provoquer un revirement de situation. À la Bourse, les indices ont atteint des niveaux record et, compte tenu des ratios cours/bénéfices élevés, ils sont nombreux à se demander ce qui pourrait alimenter de nouvelles hausses.
En fait, plus le temps passe, plus la probabilité d’une correction boursière augmente. Correction ou krach, bien malin qui peut le dire, et surtout qui peut en identifier la cause. Mais la probabilité est là, avec les conséquences que l’on devine sur la confiance des entreprises et des consommateurs ainsi privés d’une partie de leurs capitaux.
Cela dit, le plus grand risque qui pèse sur notre économie à l’heure actuelle est l’attitude du gouvernement américain et de son président.
À la suite de son intronisation, en janvier, les marchés ont anticipé les effets positifs sur les profits de la grande réforme fiscale promise en campagne électorale. La Bourse a alors atteint des sommets auxquels on ne s’attendait pas. Mais depuis ce temps, le président Donald Trump n’a pas été en mesure de signer autre chose que des décrets tape-à-l’oeil sans grand effet sur la réalité.
Cette incapacité à gouverner doublée de l’incertitude entourant sa présidence pourrait, tôt ou tard, avoir des conséquences désastreuses sur la marche des affaires.
Pour le Canada, c’est l’avenir de l’ALENA qui constitue la plus grande menace. La semaine dernière encore, M. Trump avertissait ses « amis » qu’il était prêt à déchirer les accords commerciaux s’il n’obtenait pas satisfaction.
Jusqu’à présent, les libéraux de Justin Trudeau ont joué de prudence par rapport au gouvernement américain, mais cela ne suffira pas dans l’éventualité où M. Trump se transformerait en Incroyable Hulk sous une verte poussée de colère. Avec des déficits annuels répétitifs de plus 20 milliards de dollars alors que la situation ne le justifie plus, et un taux directeur à moins de 1 %, Ottawa ne serait pas en mesure d’intervenir pour soutenir l’économie canadienne. MM. Trudeau et Morneau doivent revoir leur scénario.