La nostalgie ou le changement sans dérangement
Personne ne contestera aujourd’hui le fait que la France vit un déclin économique
Le président Emmanuel Macron célébrera aujourd’hui son premier 14 juillet, la traditionnelle fête nationale des Français. Défilés militaires et feux d’artifice seront de la partie, tout comme la présence très remarquée à ses côtés du président américain, Donald Trump. Malgré tout ce protocole, il devrait savourer chaque instant de ce rendez-vous festif, car les défis qui l’attendent sont énormes: déclin économique du pays, faible compétitivité, finances publiques sur la corde raide, climat social tendu et surtout, cette ambiguïté flagrante de son peuple, qui se traduit très souvent par une volonté de changement, mais sans trop de dérangement.
Presque personne ne contestera aujourd’hui le fait que la France vit un déclin économique depuis les deux dernières décennies: premièrement, par rapport à des partenaires européens, comme l’Allemagne, mais aussi par rapport aux puissances émergentes, la Chine et l’Inde en premier. À preuve, le poids économique de la France dans le monde a régressé depuis les années 2000, passant de 3,4 à 2,3% du PIB mondial. De plus, la France fait du surplace sur le plan de la prospérité économique, comparativement à ses homologues européens, l’Allemagne en particulier. Ses taux de croissance sont anémiques depuis plusieurs années, résultat, entre autres, d’une compétitivité et d’une productivité relativement faibles.
D’ailleurs, lorsque l’on consulte l’indice mondial d’innovation publié depuis 2007, la France arrive 15e. Sans surprise derrière les ÉtatsUnis, le Royaume-Uni, la Suède et l’Allemagne, mais aussi derrière des pays comme la Finlande, l’Irlande ou encore l’Islande. Ce constat est confirmé par un autre indice d’innovation bien reconnu, celui de Bloomberg, où la France semble à la traîne encore une fois, notamment par rapport à ses partenaires européens.
Déficits
Cette perte de compétitivité se reflète nettement dans les échanges extérieurs de la France. Ainsi, pendant que l’Allemagne engrange les surplus commerciaux avec une balance commerciale excédentaire de l’ordre de 5% du PIB par année, la France peine sur les marchés extérieurs et son solde extérieur déficitaire est devenu «quasi structurel » : environ 1% du PIB depuis plus d’une décennie au moins.
Sur le plan des finances publiques, ce n’est guère mieux. Le déficit budgétaire se situe à près de 4% du PIB et la France n’arrive pas à le ramener au niveau ciblé par les critères de convergence, soit 3% du PIB, et ce, depuis plusieurs années. Il n’est donc pas étonnant que la dette publique se situe aujourd’hui à plus de 90% du PIB, résultat de décennies de laxisme budgétaire: le pays n’a pas présenté un budget équilibré depuis 1974.
Lors de son premier discours à l’Élysée à titre de nouveau président de la République, Emmanuel Macron affirmait à ses compatriotes : «Depuis des décennies, la France doute d’elle-même: elle se sent menacée dans sa culture, dans son modèle social, dans ses croyances profondes, elle doute de ce qui l’a faite. […] Je convaincrai mes compatriotes que la puissance de la France n’est pas déclinante, mais que nous sommes à l’orée d’une extraordinaire renaissance, parce que nous tenons entre nos mains tous les atouts qui feront et qui font les grandes puissances du XXIe siècle. »
Au-delà du discours politique, très admirable et très énergisant devant des foules nostalgiques, Emmanuel Macron ne pourra pas échapper au réalisme économique. Celui-ci ne consiste pas nécessairement à dissiper cette perception de « déclinisme » économique de son pays chez ses compatriotes, car ironiquement, ce constat est largement connu et avalisé par une grande majorité de Français. Une enquête «Fractures françaises», réalisée par Ipsos (en partenariat avec Sopra Steria) et parue il y a une dizaine de jours dans le quotidien Le Monde, montre que malgré le vent d’optimisme qui semble souffler sur le pays depuis l’élection présidentielle, ils sont encore près de 70% à penser que la France est en déclin.
En fait, le réalisme exigera du nouveau président qu’il puisse plutôt convaincre ses compatriotes que freiner cette chute, ce déclin, et espérer accomplir « l’extraordinaire renaissance » qu’il leur promet, passe aussi par « eux » en premier, par la voie des sacrifices, du changement et de son corollaire, le dérangement.
Tout un pari en perspective. S’il le gagne, il aura concrétisé cet espoir de changement qu’il a tant suscité tout au long de sa campagne électorale. Sinon, son quinquennat risque de ressembler drôlement à celui de ses derniers prédécesseurs.
Un quinquennat d’inertie et de pure nostalgie!