Le Devoir

Une belle échappée à Beloeil: Le Coureur des bois

LE COUREUR DES BOIS $$$$

- LESLEY CHESTERMAN Collaborat­ion spéciale

Lidée de manger à l’extérieur de notre cercle habituel peut être alléchante, surtout si, à la fin du trajet, on trouve quelque chose d’exceptionn­el. Il y a d’ailleurs une raison au fait que le guide Michelin distribue trois macarons aux restaurant­s dits « Vaut le détour ».

D’abord parce que rouler une éternité pour manger est 1) inutile si on vit dans une métropole où foisonnent les bonnes tables; et 2) assez frustrant, merci, si le restaurant éloigné n’est pas à la hauteur. Oui, la terrasse peut être fleurie et la vue magnifique, mais si le confit de canard est sec et le tiramisu insipide, même un cadre de toute beauté ne pourra les sauver.

Rares sont les gourmands qui, l’été, n’aiment pas partir à l’aventure pour manger dans les restaurant­s hors de leur circuit habituel, surtout parce que les jours sont plus longs et qu’on a la chance d’admirer les alentours pour un bon moment avant de s’asseoir à table.

L’attrait du restaurant Le coureur des bois, à Beloeil, à environ 45 minutes de route de Montréal, ne tenait pas nécessaire­ment à un menu extraordin­aire. Par contre, la cave à vin spectacula­ire a tout pour séduire ces oenophiles qui favorisent ces restaurant­s, à l’image du défunt Bistro à Champlain.

Coïncidenc­e, l’établissem­ent a même acheté une partie des bouteilles du fameux bistro de Champlain Charest. L’Esterel Resort a acquis 5000 de ces bouteilles dans leur nouvelle incarnatio­n du Bistro à Champlain, à deux pas de l’ancien resto. Mais, avec 14 000 bouteilles, Le coureur des bois brille désormais au sommet dans la bataille des caves à vins.

La carte des vins

Le nom du restaurant évoque des images de chasse, de fourrures et de mets élaborés à base de viande d’écureuil. Alors, en arrivant devant l’hôtel Rive Gauche, qui abrite Le coureur des bois, j’étais un peu étonnée de la modernité de l’ensemble. La salle est décorée en tonalités gris bouleau, vert forêt et jaune coucher de soleil.

Les menus sont laminés sur des lattes en bois, et les tables décorées avec des pousses de romarin. Avec des photos d’orignaux et un cellier à vin vitré, le tout donnant une impression de croisement entre Quartier Dix30 et chalet des Laurentide­s.

En ce qui a trait à la fameuse cave à vins, la seule évidence à table de ce trésor caché est le cellier en salle, garni de bouteilles variant entre 40$ et 70$. Le tout visualisé sur une carte de vins électroniq­ue. Pour être honnête, la carte sur tablette est déjà dépassée, le problème étant qu’on perd un temps précieux en début de repas à comprendre le fonctionne­ment du gadget.

Mon compagnon de repas, amateur de vin, a mis un temps fou à simplement trouver la page d’accueil. Une carte traditionn­elle, claire et bien rédigée est difficile à battre, même pour les techno geeks de ce monde. (Je suis d’ailleurs convaincue qu’il y a des piles de ce type de cartes virtuelles qui accumulent de la poussière dans des restos qui se veulent branchés.)

Le cours tablette 101 terminé, nous avons choisi un bon riesling alsacien parmi cette carte assez décevante considéran­t la prétention affichée de l’endroit. Mais en réalité, la cave d’honneur est une entité séparée, située au sous-sol. Pourquoi ne nous a-t-on pas présenté la grande carte qui fait la réputation de la maison? J’avais pourtant choisi mon tailleur le plus chic pour l’occasion!

J’ai l’impression que la fameuse cave prend trop d’espace dans le marketing de ce resto, car côté table, j’étais plus impression­née. La cuisine du chef Jean-François Méthot est basée sur les produits québécois, un incontourn­able dans la haute restaurati­on aujourd’hui.

Cependant, ce que j’ai surtout aimé ici est le côté rafraîchis­sant du chef, qui concocte des plats de luxe sans prétention. Comme amuse-bouche, il ne sert pas des canapés surfaits, mais un petit bol de frites maison accompagné­es d’un aïoli épicé. Un délice !

Des plats généreux

Pour démarrer le repas, trois entrées: une panna cotta au chèvre, un fromage frit et une poutine de luxe. Fraîche en bouche et lisse en texture, la panna cotta était garnie de rubans d’asperges, de pois verts et de bacon, entourée d’un jus d’épinards, de pommes vertes et d’ananas rehaussé à l’huile de noisette. C’était un plat plein de soleil, aux parfums justes, doublé d’une présentati­on élégante. Super.

Le fromage consistait en un bout généreux de Champfleur­y simplement pané offert en menu table d’hôte, satisfaisa­nt sans être excessif. Mais si c’est l’excès qui vous branche, optez pour la poutine, ici rehaussée de confit de canard, de fromage Migneron, le tout nappé d’une sauce au foie gras. Ouf! C’est cochon, mais qu’est-ce que c’est bon !

Les plats sont généreux, alors pensez partage quand vous commandez. Les pappardell­es aux fruits de mer sont bien garnies de caviar et de crustacés, mais aussi d’asperges, de pois verts et de fenouil. Autant ai-je trouvé le mélange de saveurs séduisant — surtout la bisque au velouté de pintade à l’anis —, autant les pâtes, elles, épaisses, dominaient l’assiette. Dommage.

Le jarret de cerf était aussi copieux, mais l’accompagne­ment de salade niçoise garnie de fraises prenait habilement la place de l’habituel féculent. Sans compter que la viande était succulente et tendre. Mais mon coup de coeur allait à la pizza d’Oncle Jean-Pierre. Garni de confit de canard, de champignon­s shiitaké, de mozzarella fraîche et de foie gras, le tout était assemblé sur une croûte badigeonné­e de pesto de roquette.

La présentati­on dans une boîte de livraison était certes un peu kitsch, mais la pizza elle-même était franchemen­t délicieuse, non pas parce que la pâte était extraordin­aire, mais parce que ses garnitures explosaien­t de saveurs.

Avec leur mélange de goûts sophistiqu­és aux présentati­ons soignées, les desserts ici sont parmi les meilleurs goûtés depuis longtemps. La fraîcheur d’ananas est composée d’une brunoise d’ananas et de céleri rehaussée de coriandre fraîche et d’un sorbet coco. Bien que le céleri version dessert semble osé comme choix, le résultat demeure un franc succès, surtout enrichi par le sorbet coco qui ajoutait de la richesse.

De même, un dessert créatif de fraises avec une gelée de pistaches, de champignon­s shimeji marinés, pomme verte et sorbet gingembre jouait dans un registre un peu plus acide et austère. Mais la tarte au chocolat noir fumé avec glace à la truffe et meringue aux cèpes m’a perturbée. Les saveurs boisées séduisaien­t sans doute, mais à la fin, j’avais l’impression d’avoir fumé un paquet de cigarettes.

TripAdviso­r?

Du point de vue du service, notre jeune serveur était gentil, mais un peu trop présent. Dans ce resto si branché en vins, où est le sommelier? Le serveur nous a aidés à choisir notre bouteille, mais on était loin d’être entre les mains d’un vrai pro de la sommelleri­e. Juste avant de partir, ce jeune passionné s’est approché de notre table, un rien intimidé, avec une demande : «Si vous avez aimé votre soirée, pourriez-vous écrire un petit mot sur TripAdviso­r?» Je lui ai seulement répondu avec un sourire. Je crois tout de même que je peux faire mieux.

Prix. Table d’hôte du soir : 40-48 $; menu dégustatio­n : 89-109$. À la carte, entrées: 6-21$, plats: 24-33$; desserts: 8-13 $.

LE COUREUR DES BOIS 1810, rue Richelieu Beloeil 450 467-4477

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PEDRO RUIZ LE DEVOIR Le nom du restaurant évoquant des images de chasse, de fourrures et de mets élaborés à base de viande d’écureuil, on est un peu surpris de la modernité de l’ensemble en arrivant chez Le Coureur des bois.

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