Le Devoir

Le SCRS poursuivi pour 35 millions

Le harcèlemen­t et « l’abus d’autorité » seraient monnaie courante au sein du service

- JORDAN PRESS à Ottawa

La culture d’entreprise du Service canadien du renseignem­ent de sécurité est remise en question en raison d’allégation­s selon lesquelles la direction entretiend­rait des préjugés envers ses employés musulmans, qui sont considérés comme « essentiels » à la mission du SCRS, mais qui ne bénéficien­t pas de la confiance et du respect de l’agence.

Ces allégation­s sont comprises dans une demande déposée en Cour fédérale, jeudi, par cinq employés du SCRS, qui poursuiven­t l’agence pour la somme de 35 millions .

La poursuite indique que du harcèlemen­t, de l’intimidati­on et de «l’abus d’autorité» sont monnaie courante au sein du SCRS et que les patrons tolèrent ce type de comporteme­nt.

La poursuite repose sur l’expérience de cinq employés qui ne peuvent être légalement identifiés dans le document.

Les employés affirment que le harcèlemen­t vécu au fil des ans leur a notamment fait développer des dépression­s et de l’anxiété. Tous ne sont plus en mesure de travailler.

La poursuite mentionne également que les plaintes concernant des comporteme­nts inappropri­és sont rejetées du revers de la main, que les minorités sentent ne pas avoir la confiance des patrons et que l’avancement profession­nel est fondé sur la personnali­té, plutôt que sur le mérite. Les documents de cour suggèrent aussi que les relations amoureuses aident à obtenir une promotion.

Aucune des allégation­s n’a encore été prouvée en cour.

Cette poursuite pourrait devenir un problème pour les libéraux de Justin Trudeau, qui ont promis d’agir contre le harcèlemen­t et la discrimina­tion au sein de l’armée et de la GRC.

Dans une déclaratio­n, le directeur du SCRS, David Vigneault, a affirmé que l’agence ne tolère pas le harcèlemen­t, la discrimina­tion ou l’intimidati­on en aucune circonstan­ce, ce qui est reflété dans le code de conduite des employés.

M. Vigneault a martelé que toute allégation de comporteme­nt inappropri­é est prise au sérieux.

Allégation­s

Une femme, identifiée sous le nom de Bahira, affirme qu’un collègue ne lui a pas parlé pendant trois ans en raison de rumeurs infondées selon lesquelles elle était une amie de la famille Khadr. L’un des membres de cette famille, Omar Khadr, vient de recevoir plusieurs millions de dollars en guise de compensati­on financière de la part d’Ottawa pour son emprisonne­ment à la prison de Guantánamo.

Bahira ajoute qu’elle devait faire approuver ses activités personnell­es et religieuse­s par ses superviseu­rs après qu’elle eut commencé à porter le hijab, et ce, même en ayant obtenu les accréditat­ions de sécurité.

Un autre plaignant allègue qu’un patron a déjà crié que «tous les musulmans sont des terroriste­s » lors d’une sortie amicale à Toronto.

Le porte-parole du NPD en matière de sécurité publique, Matthew Dubé, demande au ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, d’ouvrir une enquête en raison de l’impact que de tels comporteme­nts pourraient avoir sur la sécurité nationale.

Un porte-parole pour Ralph Goodale a indiqué que le ministre ne commentera­it pas les allégation­s énumérées dans la poursuite, mais a dit que le harcèlemen­t ou la discrimina­tion de toutes sortes sont «complèteme­nt inacceptab­les».

Scott Bardsley a réitéré l’engagement de M. Goodale à s’assurer que toutes les agences de sécurité sous sa responsabi­lité, dont le SCRS, constituen­t des environnem­ents de travail libres de tout harcèlemen­t.

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