Le Devoir

Registre public de délinquant­s sexuels : les libéraux hésitent

- HÉLÈNE BUZZETTI Correspond­ante parlementa­ire à Ottawa

Le gouverneme­nt libéral de Justin Trudeau remet en question l’implantati­on d’un registre public des délinquant­s sexuels qu’avaient imaginé les conser vateurs de Stephen Harper. Il en étudiera les bénéfices avant d’aller de l’avant.

En juin 2015, le Parlement a adopté le projet de loi C-26 qui prévoyait la mise en place d’une base de données accessible au public contenant des renseignem­ents à propos de personnes déclarées coupables d’infraction­s sexuelles visant les enfants et présentant un risque élevé de commettre des crimes de nature sexuelle. On aurait retrouvé dans cette banque de données le nom du condamné, sa photo et le nom de la «collectivi­té locale » où il réside.

« Chaque parent a le droit de savoir s’il y a un pédophile dangereux dans son quartier», avait plaidé le ministre de la Sécurité publique de l’époque, Steven Blaney.

Mais voilà : la date prévue de mise en oeuvre de cet aspect du projet de loi était le 1er décembre 2016. Entre-temps, les conservate­urs ont été chassés du pouvoir par les libéraux. Ceux-ci ont dû se demander s’ils iraient de l’avant. Une décision n’a pas encore été prise, mais le gouverneme­nt émet des réserves évidentes.

«Le ministre a demandé de revoir le registre pour déterminer s’il y a des bénéfices à en tirer avant de déterminer si cette loi sera mise en oeuvre», explique Dan Brien, le porte-parole du ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale. «Il y aura de la recherche et des consultati­ons », dit-il sans donner davantage d’explicatio­ns.

Le dossier a ressurgi en juin lorsque les conservate­urs ont interrogé le gouverneme­nt à ce sujet à la Chambre des communes. «On apprend avec effroi que le gouverneme­nt libéral veut priver nos corps policiers d’un outil essentiel pour la surveillan­ce des délinquant­s sexuels, le registre national des agresseurs sexuels à haut risque de récidive », s’est insurgé M. Blaney à la période de questions.

Le nouveau chef conservate­ur, Andrew Scheer, est revenu

«

Chaque parent a le droit de savoir s’il y a un pédophile » dangereux dans son quartier Steven Blaney, ex-ministre de la Sécurité publique

à la charge quelques jours plus tard et s’est fait répondre par le premier ministre Justin Trudeau que les conservate­urs «ont mis en avant une initiative sans la financer».

Effets dangereux

Les critiques avaient été vives à propos de ce registre. Aux États-Unis, où de telles banques publiques existent, des citoyens les ont utilisées pour se faire justice euxmêmes. On a recensé le cas d’un homme ayant agressé sexuelleme­nt une adolescent­e qui a été décapité et brûlé au Michigan en 2007.

La même année, la conjointe d’un homme figurant dans un tel registre est morte au Tennessee dans l’incendie de sa maison, déclenché par deux voisins.

En 2006, un homme de Nouvelle-Écosse s’est rendu aux États-Unis dans le but d’assassiner 34 délinquant­s inscrits au registre du Maine. Il en a tué deux avant d’être intercepté.

Les conservate­urs avaient plaidé que ce syndrome du justicier ne se manifester­ait pas au Canada, car seules les informatio­ns préalablem­ent diffusées par les corps policiers seraient consignées dans la base de données. Il arrive en effet que lorsqu’un délinquant est relâché dans une communauté la police en informe les résidants. Mais cette informatio­n est diffusée sporadique­ment et pas nécessaire­ment dans un format consultabl­e après coup.

Il existe déjà un registre des délinquant­s sexuels au Canada, mais il n’est accessible qu’aux corps policiers.

 ?? JONATHAN HAYWARD LA PRESSE CANADIENNE ?? Le projet de loi prévoyait la mise en place d’une base de données accessible au public recensant des personnes déclarées coupables d’infraction­s sexuelles visant les enfants et présentant un risque élevé de commettre des crimes de nature sexuelle.
JONATHAN HAYWARD LA PRESSE CANADIENNE Le projet de loi prévoyait la mise en place d’une base de données accessible au public recensant des personnes déclarées coupables d’infraction­s sexuelles visant les enfants et présentant un risque élevé de commettre des crimes de nature sexuelle.

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