Des détenus de la prison de Donnacona victimes de surdoses de fentanyl
L’arrivée de cette nouvelle drogue inquiète la direction du pénitencier
La crise des opioïdes qui sévit dans l’Ouest canadien se fait progressivement ressentir au Québec. Quatre détenus de la prison de Donnacona, non loin de Québec, ont été victimes d’une surdose de fentanyl dans les derniers jours.
Le directeur adjoint des services de gestion de l’établissement, Stéphane Jaillet, a confirmé au Devoir les informations révélées vendredi matin par Le Journal de Québec.
«On s’est retrouvé en quelques jours avec quatre cas d’intoxication», explique-t-il, reconnaissant toutefois ne pas être «convaincu à 100% que c’était [du fentanyl] ».
«On n’a pas d’analyse de ce qu’ils ont pris exactement, c’est ce qu’on croit être du fentanyl, à cause du type d’effets que ça crée», a-t-il précisé.
Les détenus ont rapidement été pris en charge par les équipes médicales au centre de détention, et leur état de santé n’est désormais plus inquiétant, d’après M. Jaillet. Médecins et infirmiers ont rencontré les détenus pour mieux comprendre la situation et établir existence d’une détresse médicale ou non.
À ce jour, l’établissement n’a jamais enregistré de surdose mortelle liée au fentanyl, mais des détenus ont déjà perdu la vie à cause de l’héroïne.
L’arrivée de ce nouvel opioïde, considéré comme 50 fois plus puissant que l’héroïne, inquiète grandement M. Jaillet. «C’est une drogue plus dure, on n’a pas besoin d’en prendre autant [que l’héroïne] pour que ça fasse le même effet. Mais les gens en prennent autant ou font des mélanges, et ça peut faire des cocktails mortels.»
De son côté, le ministère de la Sécurité publique du Québec précise qu’«aucune problématique concernant le fentanyl n’est survenue dans les établissements de détention de l’est du Québec […] sauf une saisie de timbre de fentanyl lors de l’arrivée d’une personne incarcérée à l’Établissement de détention de Québec, en avril 2017 ».
Le ministère ne possédait par contre aucune donnée pour l’ouest du territoire.
Surveillance accrue
Pour le moment, le centre de détention de Donnacona ne s’explique pas comment le fentanyl a pu se retrouver entre ses murs. «Il y a des fouilles faites de façon régulière avec nos chiens et nos appareils de détection […], mais les détenus sont très ingénieux pour faire entrer de la drogue», se désole M. Jaillet.
Beaucoup de prévention est aussi faite auprès des détenus pour les sensibiliser aux effets de cette drogue. «Après, la balle est dans leur camp. Malgré la sensibilisation, il en rentre quand même, ils en prennent quand même», constate-t-il.
Les mesures sont les mêmes dans tout le milieu carcéral, d’après Manon Simard du Service correctionnel du Canada.
« Le fentanyl nous préoccupe, c’est sûr, on connaît le problème. Mais les surdoses, il y en a avec n’importe quelle substance », explique-t-elle, notant le travail effectué en collaboration avec les policiers à l’extérieur pour contrer le trafic de drogues.
Phénomène de société?
Aux yeux de Stéphane Jaillet, le problème survenu à Donnacona reflète un phénomène de société. Le Québec n’échappe pas à la crise des opioïdes qui touche le pays, particulièrement la Colombie-Britannique et l’Alberta.
Le mois dernier, l’Agence de la santé publique du Canada rapportait qu’en 2016 au moins 2458 Canadiens sont décédés d’une surdose d’opioïdes.
Du moins, « selon des données préliminaires », précise le responsable des relations médias, Éric Morrissette. Ces chiffres ne comprennent pas les données du Québec, qui « continue de travailler pour recueillir ses données et s’est engagé à les partager avec le [Comité consultatif spécial sur l’épidémie de surdoses d’opioïdes] .»
Le ministère de la Santé du Québec a indiqué travailler actuellement sur un plan d’action, avec différents partenaires impliqués, pour contrer les dépendances aux opioïdes.
Beaucoup de prévention est aussi faite auprès des détenus pour les sensibiliser aux effets de cette drogue