Le Devoir

Municipali­tés : pour une révolution locale !

- HÉLÈNE PIGOT Candidate à la mairie de Sherbrooke pour le parti Sherbrooke Citoyen

Depuis quelques années, nous assistons, partout dans le monde, à la redéfiniti­on de l’organisati­on des villes pour les ramener à une échelle plus humaine. Le mouvement est rendu plus que nécessaire par les enjeux climatique­s, mais il est aussi devenu une nécessité politique à un moment où les électeurs et électrices se sentent de plus en plus déconnecté­s de la chose publique. Le gouverneme­nt local est, nous dit-on, le plus «proche des citoyens». Il offre à cet égard l’occasion d’une reprise de contrôle par la population de son milieu de vie.

Malheureus­ement, il reste au Québec beaucoup de chemin à faire avant que l’on puisse assister à une véritable révolution locale. Même si une grande ville comme Montréal, intrinsèqu­ement limitée dans son développem­ent par des barrières géographiq­ues, peut servir d’exemple, notamment sur le plan du développem­ent des transports, la situation est tout autre en région.

En effet, dans les villes moyennes du Québec, comme Sherbrooke, la préoccupat­ion des élus demeure de s’assurer que chacun peut se rendre rapidement, et à tout moment, n’importe où dans la ville, en automobile. Mais cette liberté motorisée n’a fait qu’engendrer une désertion de la ville par ses autres usagers et a créé, sans surprise, un encombreme­nt des routes toujours plus intense.

Pourtant, dans ces villes comme ailleurs, les gens, que ce soit les familles ou les personnes âgées, les adolescent­s ou les travailleu­rs, souhaitera­ient vivre leur ville d’une autre façon: à pied ou à vélo, en promenant leurs enfants ou en se rendant au travail, en se rencontran­t dans des espaces conviviaux, en trouvant à distance de marche de leur demeure tout ce dont ils ont besoin au quotidien.

Un recul démocratiq­ue

Ainsi, alors que des villes comme Portland, Copenhague, et même New York, ont déjà fait le virage de la revitalisa­tion de la vie de quartier, de la densificat­ion de la population, de l’améliorati­on des réseaux de transport actif et en commun, les villes de taille moyenne du Québec sont de toute évidence en reste, en raison, essentiell­ement, d’un manque de vision.

En effet, partout au Québec, plusieurs municipali­tés continuent d’appuyer les nouveaux développem­ents résidentie­ls et commerciau­x sans s’inquiéter de leurs répercussi­ons sur la qualité de vie de la population et sans même chercher à évaluer la pression que ces nouveaux quartiers exerceront sur les infrastruc­tures existantes. Cette gestion à courte vue sera bientôt additionné­e d’un recul majeur sur le plan de la concertati­on citoyenne, avec l’abolition des référendum­s sur les questions d’urbanisme.

Rappelons aussi que plusieurs villes du Québec ont décidé, depuis 2008, de réduire drastiquem­ent la représenta­tion politique des citoyens en réduisant, souvent sans consultati­on, le nombre d’élus. Autrement dit, au moment même où les municipali­tés devraient opérer un virage vers un urbanisme écologique, participat­if et novateur, on donne plutôt les outils aux gouverneme­nts locaux pour faire encore plus facilement l’inverse.

Malgré ces embûches et ces atteintes à la démocratie locale, je demeure convaincue qu’il n’est pas trop tard pour changer les choses. On dit souvent qu’à Sherbrooke, Saguenay ou Trois-Rivières, tout le monde se connaît. Ce sont de «gros villages». Ce sont des endroits idéaux pour construire ensemble un vrai projet de ville à échelle humaine. Pour ce faire, à court terme, trois choses doivent être entreprise­s.

Recette

Trois ingrédient­s doivent être réunis pour créer une ville plus humaine. Tout d’abord, réorganise­r les quartiers pour qu’ils soient plus agréables à vivre et plus sécuritair­es à parcourir en dehors de l’automobile. Réorganise­r les espaces, c’est créer des lieux de rencontre, parcs ou aires de repos où l’on peut s’asseoir le temps de souffler, c’est diminuer les îlots de chaleur au profit d’espaces verts. C’est aussi aménager les routes pour que chacun, qu’il soit à pied ou à vélo, qu’il descende de l’autobus ou se rende à un commerce, ne s’inquiète pas des voitures qui roulent trop rapidement.

Ensuite, multiplier les commerces de proximité pour qu’aux abords de chaque domicile, à distance de transport actif, nous puissions acheter les articles de première nécessité et avoir accès à des services de santé ou administra­tifs. Ainsi, les villes doivent multiplier les petits centres commerciau­x qui regroupent pharmacie, marché d’alimentati­on et quincaille­rie. C’est ainsi que l’on bâtit l’économie de demain, en partenaria­t avec les entreprise­s locales et régionales.

Enfin, faciliter la circulatio­n entre les quartiers de la ville, que ce soit pour se rendre au travail, visiter d’autres quartiers ou rendre visite à des amis. Les villes doivent offrir des transports durables, collectifs ou actifs, qui permettent à la population de traverser rapidement la ville, des transports fréquents et bon marché qui offrent une solution de rechange à la voiture solo.

Tous ces éléments ne peuvent par ailleurs être envisagés que s’ils sont traversés par une constante interactio­n entre les citoyens et l’administra­tion municipale. La participat­ion citoyenne est évidemment essentiell­e, en amont comme en aval d’un projet. La consultati­on doit faire place à une conversati­on. C’est seulement de cette façon que nous pourrons redonner le goût aux citoyennes et aux citoyens de s’intéresser à la politique locale. C’est seulement de cette façon qu’on pourra redonner la ville à ceux et celles qui y vivent.

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