Le Devoir

Sino-Forest a fraudé les investisse­urs, tranche la CVMO

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Toronto — La forestière Sino-Forest et plusieurs de ses hauts dirigeants ont fraudé les investisse­urs et trompé les enquêteurs, a tranché vendredi la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO) dans ce qui s’avère être un des plus grands cas de fraude corporativ­e au Canada.

Dans sa décision de près de 300 pages, l’organisme réglementa­ire a indiqué que l’entreprise et son ancien chef de la direction Allen Chan, ainsi qu’Albert It, Alfred Hung et George Ho, avaient fraudé les investisse­urs en exagérant les actifs et les revenus de la société, qui n’existe plus aujourd’hui.

Les allégation­s de fraude contre Simon Yeung ont été rejetées, mais la CVMO a conclu qu’il avait trompé ses employés pendant leur enquête.

L’enquête sur Sino-Forest a été lancée en 2011, lorsque le vendeur à découvert Carson Block, de la firme Muddy Waters Research, a publié un rapport dévastateu­r. Dans ce document, il accusait la société d’exagérer l’importance de ses actifs et d’avoir monté de toutes pièces certaines transactio­ns pour réaliser l’équivalent d’une «combine à la Ponzi de plusieurs milliards de dollars».

«Nous applaudiss­ons la CVMO pour avoir persévéré tout au long d’une enquête sans doute très complexe et avoir fait en sorte que justice soit rendue », a écrit vendredi M. Block dans un courriel.

Les anciens dirigeants de Sino-Forest pourraient maintenant être bannis à vie des marchés de capitaux du Canada, ou se voir imposer des amendes allant jusqu’à 1 million de dollars chacun pour ne pas avoir respecté les lois sur les valeurs mobilières de l’Ontario.

Une audience distincte sur les sanctions et les coûts n’a pas encore été planifiée.

L’avocate de M. Chan, Emily Cole, a indiqué que son client était déçu et qu’il étudierait la décision. Stephen Wortley, un avocat pour MM. Ip, Hung et Yeung, a aussi indiqué qu’il étudierait la décision et n’a pas voulu commenter davantage.

Fondée en 1994, Sino-Forest était jadis la société forestière la mieux évaluée à la Bourse de Toronto. Même si elle était établie en Ontario, la société s’occupait de la plupart de ses activités depuis la Chine, jusqu’à son écroulemen­t en 2012.

La décision de la CVMO fait suite au règlement de plusieurs poursuites en justice menées par des investisse­urs.

En 2015, plusieurs banques canadienne­s et autres institutio­ns financière­s qui avaient aidé l’entreprise à obtenir des millions de dollars sur les marchés financiers ont accepté un règlement de 32,5 millions dans le cadre d’une action collective déposée par des investisse­urs qui avaient perdu de l’argent dans cette affaire.

David Horsley, un ancien directeur financier de Sino-Forest, a aussi accepté de verser 6,3 millions à la CVMO et de régler des actions collective­s en 2014, alors que l’ancien contrôleur de Sino-Forest, Ernst & Young, avait accepté un règlement d’action collective de 117 millions avec des investisse­urs en 2013.

Le cas de Sino-Forest et ses anciens dirigeants a été un des plus compliqués de l’histoire de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario.

«La décision d’aujourd’hui au fond est une étape importante dans une affaire complexe et multijurid­ictionnell­e qui s’est déroulée sur près de 200 jours d’audience et a requis plus de 2000 éléments de preuve », a affirmé la CVMO dans un communiqué.

Les témoignage­s de plusieurs témoins chinois ont eu lieu par téléconfér­ence depuis la Chine, avec l’aide de traducteur­s. En tout, les témoignage­s de 22 personnes ont demandé plus de 22 000 pages de transcript­ion.

Les avocats des dirigeants de Sino-Forest ont fait valoir que ce que la CVMO qualifiait de fraude n’était en fait qu’une série d’erreurs faites par une entreprise dont la croissance était trop rapide. Ils ont aussi indiqué que certains comporteme­nts qui pouvaient paraître étranges dans un contexte canadien étaient en fait des coutumes d’affaires typiques en Chine.

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