Le Devoir

L’opposition s’engage dans une bataille perdue d’avance

- STEPHANIE AGLIETTI à Kigali

Dans les rues calmes et vallonnées de Kigali, rares sont ceux à avoir entendu parler de Frank Habineza et de Philippe Mpayimana, les deux candidats qui affrontero­nt le tout puissant président sortant du Rwanda, Paul Kagame, à la présidenti­elle du 4 août.

Leur candidatur­e n’a été validée par la commission électorale que quelques jours avant le début de la campagne, vendredi. Dotés de très peu de moyens financiers, ils n’ont que trois semaines pour se faire connaître.

Face à un parti au pouvoir hégémoniqu­e, la tâche semble insurmonta­ble et une large victoire du président sortant est attendue. «L’élection est jouée », n’a d’ailleurs pas hésité à affirmer M. Kagame vendredi lors de sa première assemblée de campagne.

La décision de lui laisser le pouvoir a déjà été prise en 2015 avec un référendum où environ 98% des Rwandais ont voté pour une modificati­on de la Constituti­on lui permettant de se présenter pour un troisième mandat, a-t-il argué.

Pendant la nuit, des affiches aux couleurs du Front patriotiqu­e rwandais (FPR, au pouvoir) ont été apposées, à temps pour le début de la campagne, alors que nombre de Rwandais admettent ne même pas savoir qui sont les autres candidats.

« Nous, la population, avons vécu très longtemps avec notre président, nous connaisson­s son bilan et on se fiche des autres candidats car on ne sait pas ce qu’ils ont fait », lance One Love Nkundimana, un porteur de marchandis­es de 28 ans.

M. Kagame est l’homme fort du Rwanda depuis qu’à la tête de sa rébellion du FPR il a renversé en juillet 1994 le régime hutu qui avait déclenché trois mois plus tôt le génocide (environ 800 000 morts, essentiell­ement parmi la minorité tutsi).

Crédité d’avoir ramené la stabilité et relevé une économie exsangue après les massacres, il est toutefois accusé de ne laisser aucune place à l’opposition et de bâillonner la liberté d’expression.

« Beaucoup de gens sont fatigués d’avoir le même gouverneme­nt depuis 23 ans, mais ils ne le disent pas parce qu’il y a un climat de peur », assure Frank Habineza, président de la seule formation d’opposition autorisée du pays, le Parti démocratiq­ue vert.

La tâche est tout aussi ardue pour Philippe Mpayimana: assis autour d’une table avec cinq de ses soutiens, l’ancien journalist­e de 47 ans tente tant bien que mal d’organiser des assemblées.

« Nous n’avons qu’une semaine pour sensibilis­er la population et l’encourager à nous soutenir financière­ment», s’inquiète celui qui a passé 18 ans en exil, notamment en République démocratiq­ue du Congo.

Seul candidat indépendan­t dont la candidatur­e a été validée par la Commission électorale, M. Mpayimana amorce sa campagne sans affiches, faute de temps pour lancer les impression­s.

S’il refuse de critiquer directemen­t M. Kagame, il assure vouloir «changer les mentalités » et mettre le Rwanda sur le chemin de la démocratie.

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STEPHANIE AGLIETTI, CYRIL NDEGEYA AGENCE FRANCE-PRESSE Frank Habineza et Philippe Mpayimana, les deux candidats qui affrontero­nt le tout puissant président sortant du Rwanda, Paul Kagame, à la présidenti­elle du 4 août
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