L’horreur des attentats racontée aux enfants
Trois bouquins sondent la peur, la haine et les drames humains induits par le terrorisme
Un an après l’attentat du 14 juillet à Nice, l’horreur est toujours bien présente dans les esprits. Un traumatisme que cherche à apprivoiser la littérature pour la jeunesse par des récits simples qui expliquent aux enfants la complexité de toutes ces tragédies humaines mues par la terreur et la frustration. Portrait d’une tendance, en trois temps.
Attentat de Nice sur la promenade des Anglais, London Bridge, Bataclan, Grande Mosquée de Québec, quelques endroits — parmi tant d’autres — gravés dans les mémoires depuis l’horreur qui les a menés sur nos écrans. Une réalité que s’est appropriée aussi la littérature jeunesse avec des perspectives bien à elle qui, sans nous permettre de tout comprendre, jettent peut-être un peu de lumière sur cette grande noirceur.
«Un attentat, c’est quand les loups tuent leur proie pendant qu’elles jouent à saute-mouton, ou alors c’est peut-être quand toutes les lettres de l’alphabet sont mélangées et ne savent plus écrire AMOUR et PAIX», peut-on lire dans Dis, c’est quoi un attentat? L’auteure, Oulya Setti, y met en scène des enfants qui, à coups d’hypothèses, tentent de comprendre le sens de ce mot.
Si la tension est palpable, le choix des scènes illustrées avec rondeur et humour est toutefois discutable. En quoi, par exemple, un ours qui plonge sa patte dans une ruche est-il synonyme d’attentat? L’ours n’est ni méchant ni terroriste, il se nourrit. Même principe pour le loup qui s’en prend à un troupeau de moutons. Parallèles peu convaincants compte tenu de l’instinct qui motive les bêtes. Rien de comparable ici à la raison qui pousse les terroristes à agir.
Effets collatéraux
Janvier 2015, Caumes perd son grand ami Hakim, victime de racisme. Peu de temps après, la rédaction du journal satyrique français Charlie Hebdo est frappée. C’est l’horreur qui touche son pays, sa ville, sa vie. Incapable de surmonter sa peine, il s’isole. Alternant entre trois personnages, Niels, le cousin, Esther, l’amoureuse, et Caumes, la narration nous permet d’entrer dans la tête de chacun et de prendre la mesure des ravages causés. Mais en réalité, ce n’est que la voix de Caumes que nous lisons, les pages de son journal dans lequel il tente de comprendre la haine.
Dans cette deuxième saison d’À la place du coeur, Arnaud Cathrine explore les conséquences du racisme et des attentats sur la jeunesse française. Dans une langue populaire et prenant appui sur des faits réels — celui de Charlie
Hebdo ou l’attentat du Bataclan —, il met en scène la difficulté de se remettre de gestes qui brisent des vies. La douleur du héros se répand ainsi autour de lui, l’effet papillon fait son oeuvre. L’auteure mêle habilement la vie adolescente faite de plaisirs, de liberté, et les incompréhensions qui surgissent après les attentats.
Dans la tête du kamikaze
À la place des Lumières, Lucie Everest, vingt ans, met fin à sa vie, et à celle de plusieurs personnes, pour dénoncer le tort que l’humain fait à la planète. Mais avant de commettre l’irréparable, elle se raconte dans un journal et un blogue et promet de venger la Terre. Avec Je suis la Terre, Gwladys Constant nous amène de l’autre côté du miroir, dans la tête du kamikaze.
Alternant entre les pages du blogue, la voix du téléjournal qui suit les événements en direct et celle de l’enquêteur qui fouille les cahiers de la jeune fille, c’est une nouvelle perspective que nous offre Constant. Sans bien sûr cautionner le geste d’Everest, l’auteure permet peut-être de mieux saisir les motivations de la jeune fille. Les changements de voix, de style — on passe rapidement de la forme journalistique aux poèmes enragés et engagés de la jeune fille —, le rythme constamment rompu par le changement de narration, tout ceci sous-tend le contraste qui existe entre la pensée de cette jeune fille et les conséquences qui surviennent après l’acte. Un roman bien mené dans lequel la poésie et la lumière parviennent tout de même à percer.