Lectures estivales gourmandes
Quatre suggestions de romans savoureux
Les pieds dans l’eau au chalet ou sur une plage façon lézard, voici quatre fictions de 2017 qui vous permettront de procrastiner tout en entretenant votre goût pour le (bon) goût ! Des romans légers, mais savoureux.
Hors saison, de Max Férandon, paru en mars chez Alto
Un cireur de sols retrouvé mort dans un commerce de décorations de Noël. Un propriétaire à la recherche de l’omelette parfaite. Un chef cuistot reconverti dans les menus pour les compagnies aériennes, provégétarien. Une enquêteuse qui se déride au fil des pages et au contact du chef…
Chez Férandon, tout s’anime : paysage, météo, objets du quotidien. Sans oublier les personnages hauts en couleur de cette intrigue policière qui se passe dans le Vieux-Québec. Pour ceux qui aiment les descriptions très imagées, les ambiances à la Hercule Poirot, un rien surannées.
«Antoine appartenait à la catégorie des chefs consultants. Un chef sans resto, sans attache, qui avait eu le flair de se spécialiser dans la cuisine végétarienne depuis plusieurs années, avant que la mode se mue en courant. Ce choix de carrière osé pour l’époque lui valait à présent une forme de reconnaissance enviable. »
«Quel chef n’attendait pas le moment où le laurier se déclinait au pluriel? Mais l’originalité de son métier tenait sans doute au fait que sa salle à manger, à lui, se trouvait au sommet de la dépressurisation. Il avait su donner leurs lettres de noblesse à des plateaux-repas, qui, naguère encore, se montraient fadasses et tièdes, ne servant qu’à salir sa cravate, à rompre l’ennui en attendant que l’avion ne se pose. » Extrait de la page 28.
À la table du sultan, de Michèle Barrière, paru en avril chez JC Lattès
Si le Normand Quentin du Mesnil, ancien maître d’hôtel de François 1er, souhaite libérer son fils Pierre qui a eu la fâcheuse idée de fricoter avec une nièce de Soliman le Magnifique, ce sera par le ventre.
En effet, le Grand Turc demande au Français de cuisiner chaque jour, et différemment, ce nouveau volatile exotique qui est arrivé avec lui: la dinde ! Sur la douzaine de dindes embarquées lors du long voyage, neuf ont survécu. Quentin remportera-t-il le défi que lui lancent le sultan et sa femme, sachant qu’il doit se mesurer au cuisinier officiel?
Nous sommes en 1547. L’écrivaine et historienne gastronomique y va comme à son habitude de récits épiques, avec cette fois en toile de fond les moeurs au temps de l’Empire ottoman.
«Quentin regrettait amèrement le tournebroche automatique de Léonard de Vinci qu’il avait fait installer au manoir. Quand elle fut aux trois quarts cuite, il enroba sa dinde avec une pâte faite de farine, d’oeufs, de sucre et d’eau de rose. Il recommença l’opération trois fois, tandis que la cuisson se terminait.»
«En voyant la superbe bête dorée à souhait et posée sur un plat de céramique d’un vert profond, le cuisinier faillit avoir une attaque et regarda tristement son plat de merserem. Dans un geste de colère, il le jeta dans la cheminée.» Extrait de la page 145.
Les gentilles filles vont au paradis, les autres là où elles veulent, d’Elie Grimes, paru en mai chez Préludes
Pour une bluette new-yorkaise entre une chef cuisinière en devenir et un critique culinaire pas mal sexy… Zoey a bien du mal à s’enticher d’un homme depuis sa séparation avec le trop « sérieux » Spencer. Entourée de ses amis proches et de son frère, on suit la jeune femme dans les méandres de l’attachement familial, de l’amitié, de la passion. Le contexte culinaire est un peu loin, mais bon… Si vous souhaitez replonger dans une lecture pubère, genre roman Harlequin !
«Durant la demi-heure qui suivit, ils n’échangèrent que quelques mots. Zoey donnait des ordres, oubliant à qui elle s’adressait. Matthew les suivait et parfois même les devançait. Zoey regarda la pièce montée de choux «caïpirinha» partir, transportée par trois serveurs. Elle ne s’était jamais sentie aussi fatiguée et énervée à la fois.»
«Elle ne parvint pas à éprouver le moindre soulagement, même quand Becca, Phil et Sally exprimèrent bruyamment leur enthousiasme d’avoir terminé, alors qu’ils apportaient les plateaux de petits-fours sucrés sur la desserte pour que les serveurs s’en emparent.» Extrait de la page 197.
Les cuisines du grand Midwest, de J. Ryan Stradal, paru en juin chez Rue Fromentin
Eva Thorvald a reçu un don. Celui de son père chef cuisinier, terrassé par une crise cardiaque alors qu’elle n’était qu’un bébé sensibilisé à une nourriture de qualité. Depuis, la jeune femme est et deviendra un cas gastronomique à part, capable notamment de manger à 11 ans des plats pimentés affolant l’échelle de Scoville.
Une future chef pour qui la cuisine est un langage universel et une quête identitaire personnelle. Ce premier roman traduit de l’américain est mon préféré pour sa construction originale, son rythme, son ton et le croisement de récits d’autres personnages qui font qu’Eva n’est pas systématiquement au coeur du roman.
«Eva eut le mérite de replonger la cuillère dans le bol sans protester, et elle présenta un monticule de morceaux rouges et marron, fumants, qu’elle enfourna. Pour la première fois de la soirée, Braque remarqua que sa jeune cousine souffrait de manière évidente. Elle retira la cuillère de sa bouche, tandis que son visage s’enflammait, et elle mâcha lentement le chili épais. »
« Elle ferma les yeux. Les morceaux de viande et de haricots disparurent dans son gosier. Sa langue jaillit et fit lentement, entièrement, le tour de ses lèvres. Elle ouvrit la bouche, les yeux, souffla et attaqua aussitôt une autre cuillerée bien bombée.» Extrait de la page 106.