Percée majeure pour le traitement du cancer
Une équipe menée par un chercheur montréalais a découvert un mécanisme permettant de contrôler les cellules T, qui jouent un rôle important dans l’immunothérapie
Une équipe de chercheurs, menée par le Dr Chris Rudd, directeur de la recherche en immunothérapie au centre de recherche de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, vient de faire une percée majeure pour le traitement du cancer. Avec cette découverte, le chercheur espère être en mesure d’améliorer grandement l’efficacité des traitements d’immunothérapie, notamment chez les patients atteints d’un cancer du sein ou d’un lymphome de Hodgkin.
«Nous croyons que nous pourrons sauver plus de vies», se réjouit le Dr Chris Rudd, en entrevue au Devoir suite à la publication de son article dans la revue scientifique Nature communications.
Bon vulgarisateur, le chercheur revient à la base pour mettre en contexte la découverte de son équipe. Ainsi, explique-t-il, le monde de la recherche sur le cancer a connu une véritable révolution il y a dix ans. Un chercheur avait alors réussi à démontrer que le système immunitaire, qui a la capacité de détruire les bactéries et les virus comme l’influenza, pouvait en faire de même avec les cellules cancérigènes. Au centre du système immunitaire: les cellules T, qui reconnaissent les cellules infectées et les détruisent.
À la surface de ces cellules T se trouvent des récepteurs positifs qui envoient un signal pour attaquer et détruire les bactéries, virus et autres corps étrangers.
Les cellules T sont également dotées de récepteurs négatifs, dont le rôle est de garder le système immunitaire de l’humain assez faible afin d’éviter qu’il n’attaque ses propres cellules.
« Nous avons espoir de guérir beaucoup plus de patients et de faire passer le taux de guérison de 30 % à un nombre plus élevé » Le D Chris Rudd
Or, les cellules cancéreuses ne sont pas des corps étrangers, mais des cellules du corps qui deviennent anormales à la suite de mutations.
Ainsi donc, le système immunitaire ne parvenait pas, jusqu’alors, à détecter et détruire les cellules cancéreuses.
«Il y a dix ans, les travaux du Dr Jim Allison ont permis de démontrer pour la première fois qu’on pouvait agir pour bloquer les récepteurs négatifs des cellules T et, du coup, permettre au système immunitaire de reconnaître et d’agir contre les cellules cancéreuses.»
C’est ainsi que sont apparus les traitements d’immunothérapie. «Tout est une question d’équilibre, affirme le chercheur. Bloquer les signaux négatifs sur les cellules T permet une meilleure réponse pour lutter contre la tumeur, mais c’est souvent accompagné d’effets secondaires. C’est ce qu’on appelle une réponse auto-immune.»
Temps d’exposition
Tout cela, c’est la genèse. Le Dr Rudd, qui est également professeur à l’Université de Montréal, se lance maintenant dans l’explication de sa propre découverte. Pour détruire les cellules cancéreuses, les cellules T doivent se lier à celles-ci, précise-t-il en guise d’introduction. «Ce que nous avons découvert, c’est un mécanisme qui permet de contrôler le temps que la cellule T passe avec la cellule cancéreuse. Encore une fois, c’est une question d’équilibre. On veut que la cellule T passe assez de temps avec la tumeur pour qu’elle puisse la détruire, mais on ne veut pas qu’elle passe trop de temps non plus, parce qu’on ne veut pas gaspiller les efforts de la cellule T qui pourrait plutôt s’attaquer à une autre cellule. »
Ainsi, en allongeant le temps d’exposition, on pourra mieux traiter les patients qui, pour l’instant, ne répondent pas ou peu aux traitements d’immunothérapie, explique le chercheur. À l’opposé, les médecins pourraient diminuer ce temps d’exposition chez ceux qui ont trop d’effets secondaires. « L’immunothérapie, c’est formidable et c’est ce que nous avons trouvé de mieux jusqu’à présent. Mais il reste tout de même autour de 60% des patients qu’on ne réussit pas à guérir avec ces traitements. Nous avons trouvé un mécanisme qui, en augmentant le temps de contact entre la cellule T et la cellule cancéreuse, va permettre d’augmenter le taux de réponse chez les patients.»
Tests sur des souris
Selon lui, les patients qui en bénéficieront le plus sont ceux chez qui on peut voir un certain effet de l’immunothérapie, mais dont les cellules sont trop résistantes pour être détruites. «Si on parle du cancer du sein, par exemple, on guérit environ 30 % des patients par immunothérapie. En combinant le traitement avec un médicament qui viendrait allonger le temps d’exposition, nous avons espoir de guérir beaucoup plus de patients et de faire passer le taux de guérison de 30% à un nombre plus élevé, qui sait jusqu’à quel pourcentage ça pourrait aller…»
Un médicament qui pourrait permettre de contrôler le temps d’exposition a déjà été identifié par l’équipe du Dr Rudd, qui va procéder à une série de tests sur des souris afin de voir si la combinaison des traitements donne les effets escomptés. «Il y a toute une série d’étapes à suivre, avec des études précliniques, etc. De façon réaliste, si tout va comme prévu et qu’on obtient les résultats escomptés, on parle d’un horizon de 5 à 10 ans avant que les patients puissent en bénéficier. »