Le Devoir

Cimetière musulman : le rôle de La Meute se précise

Le premier ministre Couillard s’engage à trouver une « solution » au projet battu par référendum

- ISABELLE PORTER à Québec

La porte-parole des opposants au projet de cimetière musulman minimise ses liens avec le groupe La Meute et affirme au contraire avoir cherché à les tenir à distance dans les semaines précédant le référendum.

Mécontente d’être associée au groupe, Mme Sunny Létourneau affirme que ses liens avec La Meute étaient surtout «virtuels». «Ils m’ont demandé s’ils pouvaient m’inscrire et j’ai accepté de communique­r les informatio­ns avec eux. Ils voulaient suivre le dossier. »

Lundi, Le Devoir révélait que Mme Létourneau ainsi que six militants du Comité de l’alternativ­e citoyenne, étaient aussi membres du «clan» local de La Meute sur la plateforme Facebook. Des liens confirmés par le porte-parole national de La Meute, Sylvain Brouillett­e.

Créé en 2015 par des vétérans des Forces armées canadienne­s, La Meute est un groupe identitair­e qui dit vouloir combattre l’implantati­on de l’islam radical au Québec.

Une autre membre du Comité de l’alternativ­e citoyenne a confirmé par écrit au Devoir qu’elle était bien membre du clan 12 de La Meute et « fière de l’être». «Nous n’avons aucune arme et voulons seulement être présents pour les projets qui ne sont pas toujours clairs avec les différents groupes musulmans», a-t-elle écrit. « Avec le CCIQ (Centre culturel islamique de Québec), il y a anguille sous roche. »

Selon Mme Létourneau, La Meute a rapidement manifesté de l’intérêt pour la controvers­e entourant le projet de cimetière mais elle dit avoir justement cherché à les tenir à l’écart. «Je leur ai demandé surtout de ne pas s’en mêler et ils m’ont écoutée.»

Par ailleurs, la porte-parole du groupe d’opposants ne veut pas dire ce qu’elle pense du groupe La Meute. Elle soutient vouloir surtout «échanger» et «créer de liens entre les groupes» et souligne qu’elle est aussi active dans une organisati­on musulmane, l’Associatio­n de la sépulture musulmane au Québec.

Sa présence sur la page Facebook du clan 12 de La Meute lui a même permis, dit-elle, de répliquer à des gens qui tenaient des propos trop agressifs. « J’ai l’impression de leur avoir apporté quelque chose», dit-elle.

«Il y avait beaucoup plus de membres avant [dans le clan 12]. Ils ont flushé un nombre considérab­le de membres parce qu’ils trouvaient que ces gens-là avaient des propos un petit peu trop agressifs dans certaines circonstan­ces. »

Par ailleurs, des six membres du Comité de l’alternativ­e citoyenne identifiés sur la page Facebook du clan 12, trois sont membres de la famille immédiate de Mme Létourneau dont son conjoint, sa mère et le conjoint de sa mère.

Sunny Létourneau signale enfin qu’elle a nécessaire­ment des liens avec le porte-parole national de La Meute puisque ce dernier possède une compagnie de remorquage à SaintApoll­inaire dans le même domaine qu’elle (elle gère une entreprise de carrosseri­e).

Labeaume met en garde

Du côté de Québec, les révélation­s du Devoir à propos de La Meute ont vivement fait réagir le maire Régis Labeaume mardi. «C’est potentiell­ement dangereux ce genre de milice. C’est extrêmemen­t toxique», a-t-il déclaré lors d’un point de presse devant différents médias de Québec.

«Moi, je n’accepte pas ça. Idéologiqu­ement, ça me pue au nez des groupes comme ça. Si on veut combattre l’islamisme radical, il faut le faire dans les limites de la démocratie et du droit », a-t-il dit selon ce qu’a rapporté Le Soleil. « Je leur conseille de marcher très droit et de ne pas

faire de coche mal taillée. Ils auront zéro marge de manoeuvre. »

Des propos salués par le premier ministre Philippe Couillard en après-midi. «Monsieur le maire Labeaume s’est exprimé très fortement d’ailleurs sur la participat­ion de certains groupes au processus du référendum, j’apprécie qu’il l’ait fait. »

M. Couillard s’est en outre engagé à offrir une solution à l’impasse du projet de cimetière musulman

de la mosquée de Québec. «Ce que je vois maintenant, c’est la nécessité pour notre gouverneme­nt de nous impliquer pour trouver une solution», a-t-il soutenu. «Les gens ont le droit — franchemen­t c’est fondamenta­l — d’enterrer leurs morts. […] Ils ont besoin d’espace, d’une sécurité, d’avoir l’espace pour les prochaines années.»

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