Le Devoir

Dans la foulée des Premières Nations

Québec compte profiter de la volonté de réconcilia­tion d’Ottawa avec les autochtone­s pour relancer les négociatio­ns constituti­onnelles

- MARCO BÉLAIR-CIRINO à Edmonton

Le gouverneme­nt fédéral ne pourra faire l’économie d’un débat constituti­onnel avant de mettre en oeuvre les « Principes régissant [sa] relation […] avec les peuples autochtone­s», a averti le premier ministre Philippe Couillard en marge du Conseil de la fédération mardi.

Le gouverneme­nt Trudeau souhaite favoriser «la réconcilia­tion avec les peuples autochtone­s au moyen d’une relation renouvelée de nation à nation, de gouverneme­nt à gouverneme­nt et entre la Couronne et les Inuits, axée sur la reconnaiss­ance des droits, le respect, la coopératio­n et le partenaria­t», a indiqué le ministère de la Justice vendredi.

«On parle d’un nouvel ordre de gouverneme­nt », a fait valoir M. Couillard lors d’une mêlée de presse dans la capitale albertaine mardi. «Nécessaire­ment, ça a un lien avec le texte constituti­onnel. »

Des juristes de l’État québécois sont affairés à établir si des changement­s à la Constituti­on du Canada doivent être adoptés afin de permettre à Ottawa de nouer des relations «de gouverneme­nt à gouverneme­nt» avec les Premières Nations, les Inuits et les Cris du Canada, a appris Le Devoir.

Le gouverneme­nt fédéral a-t-il — peut-être inconsciem­ment — appuyé sur le bouton de mise en marche de négociatio­ns constituti­onnelles? «Il y a certaineme­nt là quelque chose d’intéressan­t », s’est contenté de répondre M. Couillard, renvoyant la question à son homologue fédéral, Justin Trudeau.

Cela dit, le gouverneme­nt québécois est disposé à prendre part à des pourparler­s visant à modifier la loi fondamenta­le du pays, 35 ans après son rapatrieme­nt sans l’accord du Québec, mais pas à n’importe quelle condition.

«On sera prêt à participer au règlement d’un problème de type constituti­onnel pourvu que les demandes du Québec, qui sont des demandes des Québécois, […] soient sur la table aussi», a insisté

M. Couillard, en marge des célébratio­ns du 150e anniversai­re du Canada.

«Ce n’est pas sain pour un pays de la taille du Canada que la deuxième plus grande province ne soit pas encore signataire de la Constituti­on. Tout le monde s’entend là-dessus, y compris mes collègues. Mais, je ne suis pas venu ici pour négocier la Constituti­on», a-t-il insisté sur la terrasse de l’hôtel MacDonald, où l’entouraien­t des journalist­es québécois.

Réforme constituti­onnelle inéluctabl­e

Selon lui, «il va se produire [tôt ou tard] un enjeu quelque part dans la vie du pays où il va falloir parler de ça». Avec l’aide des ministres Jean-Marc Fournier et Geoffrey Kelley, M. Couillard prépare le terrain afin de ne pas vivre à ce moment-là un traumatism­e semblable à ceux subis il y a 30 ans (Meech) et 25 ans (Charlottet­own).

«Si on a une autre conversati­on qui ne mène nulle part, ce ne sera pas bon ni pour le Québec ni pour le Canada», a-t-il fait valoir.

Pour s’assurer que «les esprits» de tous les Canadiens, y compris ceux des membres de la classe politique, sont «positiveme­nt disposés» le jour J, le gouverneme­nt du Québec tente d’opérer un «rapprochem­ent» entre les Québécois et les autres Canadiens.

«Les liens qui unissent les Québécois et les autres Canadiens, avant d’être gouverneme­ntaux ou institutio­nnels, sont d’abord des relations entre les individus et la société civile dans son ensemble. C’est sur cette base que doit préalablem­ent être construit un véritable dialogue sur l’avenir de notre pays», stipule la Politique d’affirmatio­n du Québec et de relations canadienne­s, qui a été dévoilée le 1er juin dernier.

Philippe Couillard a fait une « brève présentati­on » de sa Politique coiffée du titre «Québécois, notre façon d’être Canadiens» à ses homologues des provinces et des territoire­s lors d’un déjeuner mardi. Une «bonne discussion» s’est ensuivie. «Personne n’a dit: “On ne veut pas entendre parler de ça”», a-t-il précisé à la presse.

Plus tard, il a toutefois admis que sa Politique a suscité un intérêt relatif au Conseil de la fédération. A fortiori, « le sujet qui intéresse les gens […] quotidienn­ement, aujourd’hui, demain, le mois prochain, l’été prochain, c’est la question économique, la question des emplois, la question des échanges commerciau­x », a-t-il lui-même souligné à gros traits.

Le premier ministre de la Saskatchew­an, Brad Wall, juge «raisonnabl­e» de penser que des négociatio­ns menant à la signature du Québec au bas de la Loi constituti­onnelle de 1982 seront menées dans le futur dans la mesure où, «après trois décennies et demie, le partenaire fondateur n’a toujours pas signé la Constituti­on du pays ».

«Il n’y a pas d’échéancier fixé», a indiqué M. Wall avant d’ajouter : «Dieu merci qu’un tel document a été présenté par un premier ministre fédéralist­e, comme [M.] Couillard, qui veut que le Québec continue de faire partie du pays. Le document aurait été très différent si c’était un autre premier ministre.»

La fédération est « chanceuse » de compter Philippe Couillard dans ses rangs, a renchéri le premier ministre de la Nouvelle-Écosse, Stephen McNeil.

 ?? JASON FRANSON LA PRESSE CANADIENNE ?? Philippe Couillard (accompagné sur la photo de la première ministre de l’Ontario, Kathleen Wynne) s’est dit disposé à prendre part à des pourparler­s visant à modifier la loi fondamenta­le du pays, 35 ans après son rapatrieme­nt sans l’accord du Québec, mais pas à n’importe quelle condition.
JASON FRANSON LA PRESSE CANADIENNE Philippe Couillard (accompagné sur la photo de la première ministre de l’Ontario, Kathleen Wynne) s’est dit disposé à prendre part à des pourparler­s visant à modifier la loi fondamenta­le du pays, 35 ans après son rapatrieme­nt sans l’accord du Québec, mais pas à n’importe quelle condition.

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