Le Devoir

La popularité de Singh inquiète des néodémocra­tes québécois

- MARIE VASTEL Correspond­ante parlementa­ire à Ottawa

L’appui d’une députée québécoise au candidat Jagmeet Singh ravive les craintes de néodémocra­tes de la province, qui s’inquiètent de voir leur parti se choisir un chef qui nuirait à leurs chances électorale­s au Québec. À tel point que certains se demandent s’il n’est pas temps pour eux de renoncer au NPD, du moins quelque temps.

L’ancien élu Alain Giguère ne mâchait pas ses mots sur Facebook lundi soir, après que son excollègue Hélène Laverdière a appuyé la candidatur­e de Jagmeet Singh à la tête du NPD.

«Il y a du monde au NPD Canada qui espère que le Québec est assez stupide pour voter pour un chef qui parle moins bien le français que Jack ou qui ne comprend pas les aspiration­s à la laïcité des Québécois», déplorait M. Giguère.

«Ce choix qui a tout pour faire disparaîtr­e de la carte le NPD au Québec oblige ses militants à devoir faire des choix. […] Si le NPD ne veut pas tenir compte des aspiration­s du Québec, c’est à nous d’en prendre note. »

Sa conclusion : il songe à un « plan B ». Et d’autres — des députés, d’anciens élus ou des militants de mouvements syndicaux — y réfléchira­ient eux aussi, selon lui. L’idée de regrouper les députés ou candidats frustrés au sein d’une nouvelle entité politique — qui pourrait rester alliée du NPD — circule selon M. Giguère.

«Évidemment, c’est la solution la plus extrême», consent-il en reconnaiss­ant qu’elle n’est pas répandue au sein de la famille néodémocra­te.

Mais d’autres pensent à rassembler les députés dans un caucus indépendan­t, ou à unir leurs forces au sein d’une campagne «Anybody But Singh ». La majorité préférerai­t quant à elle, selon M. Giguère, prendre congé du NPD pendant quelques années en attendant la prochaine course à la chefferie. Une option évoquée par certains en coulisses, qui n’ont pas eu envie de prêter main-forte à un candidat cette fois-ci.

Militant au NPD depuis 1976, Alain Giguère se dit déçu de voir que les deux meneurs de la course à la chefferie sont le député Charlie Angus et l’élu ontarien Jagmeet Singh. Car l’un s’exprime péniblemen­t en français, tandis que l’autre est un sikh pratiquant qui porte turban et kirpan. «Les deux principaux leaders ont des handicaps majeurs face au Québec», martèle M. Giguère au Devoir. «Il nous reste 16 députés [au Québec], il faudrait quand même en sauver quelques-uns», dit celui qui s’était fait élire avec la vague orange en 2011 avant de perdre son siège de la rive nord en 2015.

Pas prêt à renoncer

L’ex-député Pierre Dionne Labelle n’est pas aussi radical. «Moi, je suis attaché au NPD fédéral, à son histoire, à ses réalisatio­ns», assure-t-il au Devoir. «Si M. Singh était élu à la chefferie, je ne déchirerai­s pas ma carte du parti. Mais je sais qu’on ne réussirait probableme­nt pas à récupérer la majorité des comtés qu’on a perdus à la suite du dérapage du niqab.»

Hélène Laverdière assurait lundi, en entretien avec Le Devoir, que Jagmeet Singh saurait séduire les Québécois, car il partage leurs valeurs progressis­tes. «Je suis convaincue que, quand les gens vont mieux le connaître, ils vont être conquis », insistait-elle, à l’instar de son candidat.

Or, M. Dionne Labelle ne partage pas sa lecture. «Nonobstant les qualités personnell­es du candidat, on ne peut ignorer la place prise au Québec par la question des signes religieux ostentatoi­res lors de la dernière campagne électorale», fait-il valoir dans une lettre qu’il lui a adressée et qu’il a transmise au Devoir (voir notre page éditoriale).

«Même s’il est évident que nous ne devons pas baisser les bras devant ceux qui tentent de diviser la population à partir de considérat­ions ethniques ou religieuse­s, le NPD ne peut faire fi de la sensibilit­é des Québécois face à cette question s’il veut un jour retrouver leur appui», argue l’ancien élu de Saint-Jérôme.

« Je souhaite comme elle que le prochain ou la prochaine chef du NPD soit profondéme­nt humaniste et adhère aux valeurs universell­es, mais je m’attends aussi à ce que son jugement soit totalement libéré des dogmes inventés ou imposés par les Églises ou les prophètes», arguait-il en outre sur Facebook lundi en soutenant que nulle part dans le monde «politique et religion ne font bon ménage ».

Un commentair­e apprécié par l’ancien député néodémocra­te devenu vert Jean Rousseau et la conjointe du député Pierre-Luc Dusseault.

Certains pensent à rassembler les députés dans un caucus indépendan­t, ou à unir leurs forces au sein d’une campagne « Anybody But Singh »

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