Le Devoir

Le retour du religieux

- YVAN PETITCLERC

Le Québec, comme le reste de l’Occident, ne l’avait vraiment pas vu venir, ce retour en force du religieux.

Pendant les années 1970 et 1980, il pensait en avoir définitive­ment terminé avec la religion. Il est vrai qu’aujourd’hui, le nombre de gens se disant sans religion est en augmentati­on. Mais il est aussi vrai que la démographi­e joue de plus en plus en faveur des groupes et individus les plus religieux. Mais surtout, pourquoi le terrain semble-t-il soudain si propice en Occident à ce retour des manifestat­ions religieuse­s les plus identitair­es? Une évidence s’impose: la nature, on le sait, a horreur du vide. Or, la culture également. À partir du moment où la religion n’occupe plus la place centrale de jadis et n’incarne plus la culture d’un pays ou d’un espace donné, elle se doit alors d’être remplacée par autre chose. Jusqu’à la fin du XXe siècle, le monde des arts et de la littératur­e a occupé ce rôle. Malheureus­ement, il le fait de moins en moins de nos jours, particuliè­rement à l’école.

Or, l’humanisme séculier qui ne s’abreuve plus à la grande culture, aussi flexible puisse être cette définition, n’est plus en mesure de résister au fondamenta­lisme religieux qui cherche à occuper l’espace. Vous croyez que les références de la grande culture littéraire et artistique occupent une large part chez les partisans de la lecture littérale et intégriste des textes religieux ?

Question de mode

Depuis quelques décennies, la culture en Occident n’est devenue essentiell­ement que la mode, le design et le divertisse­ment. Eh bien, désolé, cette vision du monde ne fera jamais un contrepoid­s efficace contre la lecture fondamenta­liste des textes du Coran et des hadiths. Et le conflit n’ira qu’en s’aggravant. C’est simple. Nous croyons aujourd’hui, en Occident, que la culture, c’est tout, sauf la religion. L’islam fondamenta­liste croit, lui, que la religion doit être toute la culture.

Mais il y a un autre élément important qui nous échappe souvent. Et cela découle du fait que nous avons complèteme­nt perdu de vue la véritable nature de cette idée de démarche identitair­e. Regardez la réaction ou, plutôt, l’absence de réaction lorsqu’en Occident, par exemple, on apprend que des chrétiens ont été persécutés par des musulmans extrémiste­s en Égypte. Aucune manifestat­ion d’outrage ou de colère collective. Considérez maintenant ce qui se passe lorsqu’un juif ou un musulman est victime d’un conflit qui les oppose. Aussitôt, les élans de solidarité ethnique de par le monde se font entendre.

Incultes sur les questions religieuse­s

Quelle leçon tirer de cela ? Tout simplement que nous sommes devenus à ce point incultes sur les questions religieuse­s en Occident que nous ne comprenons même plus qu’être juif n’est pas par définition une seule identité religieuse, mais bien une identité ethnique, culturelle, historique, voire pour certains éthique également. Quant à l’islam, par son concept de l’umma — traduit généraleme­nt par «nation islamique» —, il relève également d’un appel à une solidarité identitair­e se rapprochan­t d’une solidarité ethnique. Ne pas tenir compte de cela, c’est rendre risibles les accusation­s de démarche identitair­e à l’égard des pays occidentau­x. Cette prétendue démarche identitair­e en Occident? Une réaction à une convergenc­e culturelle de moins en moins réussie, en raison de pressions identitair­es communauta­ristes au sein de l’immigratio­n. Il serait temps de se le rappeler plus souvent.

Une évidence s’impose : la nature, on le sait, a horreur du vide. Or, la culture également.

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