Le Devoir

La Caisse et le scénario d’un réchauffem­ent inférieur à 2 °C

- SÉBASTIEN COLLARD Mouvement Sortons la Caisse du carbone, porteparol­e de Recycle ta Caisse

La Caisse de dépôt et placement du Québec est-elle prête à faire face à l’éventualit­é où l’humanité arriverait à contenir le réchauffem­ent climatique sous les 2 °C ? Cette question est celle qui a mené le Fonds mondial pour la nature (WWF) à publier récemment une étude où était évaluée la capacité de trente grands fonds européens à faire face à ce scénario. Seulement six d’entre eux se sont trouvés à l’être pour les trois indicateur­s utilisés. Nous avons plusieurs raisons d’être inquiets du résultat qu’obtiendrai­t la Caisse dans un tel exercice.

Avant d’aborder ces raisons, notons que la baisse constante du prix des énergies renouvelab­les entraîne selon le WWF une propagatio­n exponentie­lle de ces technologi­es, laquelle accélère la sortie des énergies fossiles, et ce, pour des raisons économique­s.

Charbon, pétrole et gaz

Notre inquiétude quant au résultat qu’obtiendrai­t la Caisse provient d’abord du fait que celle-ci a choisi d’investir massivemen­t dans les énergies fossiles en 2016, ce que démontrait en mai l’analyse faite par le groupe Recycle ta Caisse. Par exemple, la Caisse a décidé d’augmenter de 116 % la quantité d’actions détenues dans le charbon en 2016, ce qui a fait bondir de 95% la valeur des placements dans ce secteur. Or, l’extraction du charbon et la production d’électricit­é à partir de ce combustibl­e constituen­t deux des indicateur­s utilisés par le WWF.

Quant au choix de la Caisse d’augmenter à 16,2 milliards ses placements dans le secteur du pétrole et du gaz (dont la moitié dans les sables bitumineux), il est difficile d’imaginer qu’il n’aurait pas un impact majeur sur son rendement dans un scénario où nous arriverion­s à atteindre les objectifs de l’Accord de Paris.

Le seul indicateur où la Caisse pourrait faire bonne figure concerne ses investisse­ments dans les énergies renouvelab­les. Cela étant dit, lorsque la prochaine vague de faillites associées à l’éclatement de la bulle carbone surviendra, est-ce que la Caisse pense sérieuseme­nt pouvoir s’excuser des milliards perdus en disant qu’elle a fait des investisse­ments dans les énergies renouvelab­les ?

Contrairem­ent aux grands fonds de la Californie et de la Norvège, la Caisse n’a pas encore fait de pas pour sortir des énergies fossiles

Tendance mondiale lourde

Les gestionnai­res de la Caisse ne peuvent ignorer la tendance mondiale lourde consistant à mesurer si un fonds de pension est prêt à faire face à une transition technologi­que rapide. Ont-ils procédé à cette analyse, et si oui, quel en est le résultat ? Nous ne pouvons que contester haut et fort le fait de ne pas avoir publié cette analyse, ou pire encore, de ne pas l’avoir effectuée.

En septembre, lors de la visite du Groupe d’experts intergouve­rnemental sur l’évolution du climat (GIEC) à Montréal, nous ne pouvons qu’espérer que la Caisse se rapprocher­a de la science et des leaders de ce monde pour aligner ses investisse­ments sur l’Accord de Paris. De nombreux groupes citoyens se mobilisero­nt alors pour inviter la Caisse à plus de cohérence et de prudence.

Contrairem­ent aux grands fonds de la Californie et de la Norvège, la Caisse n’a pas encore fait de pas pour sortir des énergies fossiles. Ne pas faire partie des fonds qui auront joué un rôle de chef de file mondial dans la lutte contre les changement­s climatique­s est une chose, manquer à son rôle de faire fructifier le patrimoine lorsque la transition devient inéluctabl­e en est une autre.

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