La Caisse et le scénario d’un réchauffement inférieur à 2 °C
La Caisse de dépôt et placement du Québec est-elle prête à faire face à l’éventualité où l’humanité arriverait à contenir le réchauffement climatique sous les 2 °C ? Cette question est celle qui a mené le Fonds mondial pour la nature (WWF) à publier récemment une étude où était évaluée la capacité de trente grands fonds européens à faire face à ce scénario. Seulement six d’entre eux se sont trouvés à l’être pour les trois indicateurs utilisés. Nous avons plusieurs raisons d’être inquiets du résultat qu’obtiendrait la Caisse dans un tel exercice.
Avant d’aborder ces raisons, notons que la baisse constante du prix des énergies renouvelables entraîne selon le WWF une propagation exponentielle de ces technologies, laquelle accélère la sortie des énergies fossiles, et ce, pour des raisons économiques.
Charbon, pétrole et gaz
Notre inquiétude quant au résultat qu’obtiendrait la Caisse provient d’abord du fait que celle-ci a choisi d’investir massivement dans les énergies fossiles en 2016, ce que démontrait en mai l’analyse faite par le groupe Recycle ta Caisse. Par exemple, la Caisse a décidé d’augmenter de 116 % la quantité d’actions détenues dans le charbon en 2016, ce qui a fait bondir de 95% la valeur des placements dans ce secteur. Or, l’extraction du charbon et la production d’électricité à partir de ce combustible constituent deux des indicateurs utilisés par le WWF.
Quant au choix de la Caisse d’augmenter à 16,2 milliards ses placements dans le secteur du pétrole et du gaz (dont la moitié dans les sables bitumineux), il est difficile d’imaginer qu’il n’aurait pas un impact majeur sur son rendement dans un scénario où nous arriverions à atteindre les objectifs de l’Accord de Paris.
Le seul indicateur où la Caisse pourrait faire bonne figure concerne ses investissements dans les énergies renouvelables. Cela étant dit, lorsque la prochaine vague de faillites associées à l’éclatement de la bulle carbone surviendra, est-ce que la Caisse pense sérieusement pouvoir s’excuser des milliards perdus en disant qu’elle a fait des investissements dans les énergies renouvelables ?
Contrairement aux grands fonds de la Californie et de la Norvège, la Caisse n’a pas encore fait de pas pour sortir des énergies fossiles
Tendance mondiale lourde
Les gestionnaires de la Caisse ne peuvent ignorer la tendance mondiale lourde consistant à mesurer si un fonds de pension est prêt à faire face à une transition technologique rapide. Ont-ils procédé à cette analyse, et si oui, quel en est le résultat ? Nous ne pouvons que contester haut et fort le fait de ne pas avoir publié cette analyse, ou pire encore, de ne pas l’avoir effectuée.
En septembre, lors de la visite du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) à Montréal, nous ne pouvons qu’espérer que la Caisse se rapprochera de la science et des leaders de ce monde pour aligner ses investissements sur l’Accord de Paris. De nombreux groupes citoyens se mobiliseront alors pour inviter la Caisse à plus de cohérence et de prudence.
Contrairement aux grands fonds de la Californie et de la Norvège, la Caisse n’a pas encore fait de pas pour sortir des énergies fossiles. Ne pas faire partie des fonds qui auront joué un rôle de chef de file mondial dans la lutte contre les changements climatiques est une chose, manquer à son rôle de faire fructifier le patrimoine lorsque la transition devient inéluctable en est une autre.