Le Devoir

Sitôt annoncée, la consultati­on est déjà décriée

- MARIE-LISE ROUSSEAU

LLa Coalition pour l’égalité et contre le racisme systémique demandait la tenue d’une commission depuis mai 2016

e gouverneme­nt Couillard a finalement annoncé jeudi la tenue de consultati­ons sur la discrimina­tion systémique et le racisme, réclamées depuis plus d’un an, au courant de l’automne. Mais la forme que prendra ce processus ne fait pas que des heureux.

Cette annonce du ministère de l’Immigratio­n, de la Diversité et de l’Inclusion (MIDI) faite à Montréal survient alors que divers actes haineux contre la communauté musulmane du Québec se sont produits cette semaine, dans la foulée du référendum pour un projet de cimetière musulman tenu à Saint-Apollinair­e dimanche.

«Tous ces gestes haineux sont inacceptab­les dans une société. C’est blessant, ça me touche profondéme­nt. […] C’est une problémati­que importante qu’il faut aborder, c’est ce qu’on fait aujourd’hui»,a déclaré la ministre, Mme Kathleen Weil.

Ces consultati­ons seront tenues par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ). Sa présidente, Mme Tamara Thermitus, a cité quelques statistiqu­es en conférence de presse: les personnes non racisées ont 60% plus de chance que les personnes racisées d’être convoquées en entretien d’embauche au Québec et le taux de chômage est de deux à trois fois plus élevé chez les personnes non racisées, peu importe leur parcours scolaire.

«Tout ça a un effet sur leurs conditions sociales », a-t-elle affirmé.

Un plan d’action en 2018

La ministre Weil a lancé jeudi un appel de propositio­ns aux organismes à but non lucratif (OBNL) aux quatre coins du Québec. La CDPDJ sélectionn­era entre 15 et 20 de ces organismes pour mener des consultati­ons aux mois de septembre et octobre, afin de recueillir des témoignage­s de victimes de discrimina­tion systémique ou de racisme.

Afin de mobiliser le plus grand nombre de citoyens, tous ceux qui le désirent pourront remplir un questionna­ire ou déposer un mémoire sur un site Web qui sera mis en ligne en septembre. « Vos voix comptent et nous voulons les faire entendre», a déclaré Mme Thermitus.

Parallèlem­ent à ces démarches consultati­ves, quatre groupes de travail seront constitués pour se pencher sur autant d’enjeux liés à la discrimina­tion, soit l’emploi et le travail; l’éducation, la santé, les services sociaux et le logement; la justice et la sécurité publique; la culture et les médias.

Toutes les informatio­ns recueillie­s seront mises en commun à l’occasion d’un forum public en novembre. Un état de la situation sera alors dressé, ce qui permettra à la CDPDJ de formuler des recommanda­tions, auxquelles le gouverneme­nt donnera suite dans un plan d’action devant être déposé au printemps prochain.

Le ministère estime le coût de l’ensemble de ce processus à 500 000 $.

Entendre les voix sur le terrain

Des organismes et membres de la société civile rassemblés sous la bannière de la Coalition pour l’égalité et contre le racisme systémique demandaien­t la tenue d’une commission depuis mai 2016. Une pétition ayant recueilli plus de

2600 signatures avait été déposée à l’Assemblée nationale en septembre dernier.

Le cofondateu­r de Montréal-Nord Républik, Will Prosper, est membre de la Coalition ainsi que d’un comité-conseil qui a été mis en place au printemps dernier afin d’orienter les thèmes et objectifs des consultati­ons. Il déplore que la suite des choses soit entièremen­t placée entre les mains de la CDPDJ.

«J’aurais aimé qu’il y ait encore des personnes en lien avec le comité-conseil ou de la Coalition impliquées dans le processus. Ce sont des gens du terrain, il ne faut pas cette démarche soit déconnecté­e de la réalité », prévient le documentar­iste.

«On a des experts qui sont évacués dans la forme que la consultati­on semble prendre. Qu’estce qu’on fait pour rendre ces gens plus présents au sein de cette consultati­on? Présenteme­nt, on a l’impression que le gouverneme­nt parle directemen­t avec la CDPDJ et que les autres sont évacués de cette discussion », poursuit M. Prosper.

La présidente de Québec inclusif, Émilie Nicolas, salue l’initiative du MIDI, mais émet des inquiétude­s quant à la protection de ceux qui témoignero­nt.

« La façon dont on va procéder doit donner une place aux citoyens qui ont vécu [du racisme ou de la discrimina­tion systémique]. Il faut que les gens se sentent à l’aise et en sécurité de témoigner. Ce qu’ils ont à dire peut les mettre dans une situation difficile, par exemple avec leur employeur. Il va falloir s’assurer qu’ils sont protégés », avertit-elle.

La présidente et fondatrice de l’organisme COR (Communicat­ion pour l’ouverture et le rapprochem­ent intercultu­rel), Samira Laouni, s’est quant à elle dite rassurée que ces consultati­ons ne prennent pas la forme « d’une autre commission à la Bouchard-Taylor». Cependant, elle se questionne sur la suite des choses.

« Il reste à savoir exactement comment ça va se dérouler et comment ça va aboutir », dit-elle.

Des actions réclamées

Le gouverneme­nt aurait dû mettre en place des «moyens concrets pour lutter contre le racisme

 ?? RYAN REMIORZ LA PRESSE CANADIENNE ?? La ministre Kathleen Weil a annoncé jeudi la tenue de consultati­ons sur le racisme et la discrimina­tion systémique.
RYAN REMIORZ LA PRESSE CANADIENNE La ministre Kathleen Weil a annoncé jeudi la tenue de consultati­ons sur le racisme et la discrimina­tion systémique.

Newspapers in French

Newspapers from Canada