Le Devoir

Météo capricieus­e signifie survie difficile pour la tordeuse de bourgeons de l’épinette

- PIERRE SAINT-ARNAUD

Les Québécois ont beau se plaindre du temps gris et froid qui sévit depuis le printemps et le début de l’été dans la province, cette situation présente des avantages pour la forêt. La tordeuse des bourgeons de l’épinette connaît actuelleme­nt des moments difficiles au Québec en raison de la météo.

Ainsi, de nombreux articles ont fait état d’un lien entre la progressio­n de la tordeuse sur la Côte-Nord et le réchauffem­ent climatique, mais la météo capricieus­e des deux dernières années a aussi eu un impact important — et inverse — sur l’épidémie de l’insecte ravageur.

Les experts s’attendent en effet à voir une chute des population­s de tordeuse en raison du printemps tardif de 2017, un phénomène qu’ils avaient déjà constaté l’an dernier alors que le printemps et l’été s’étaient également fait prier avant de se manifester.

« On s’est rendu compte que les population­s ont drôlement chuté à l’été 2016 par rapport à ce qu’elles étaient avant, et on soupçonne que le printemps dernier a aussi été difficile pour les tordeuses», raconte Johanne Delisle, chercheuse en entomologi­e forestière à Ressources naturelles Canada.

Cette chute de population serait attribuabl­e au fait que les bourgeons des arbres infestés par la tordeuse ne sont pas encore ouverts lorsqu’elle sort de sa période d’hibernatio­n.

«Le débourreme­nt [NDLR : l’ouverture de nouveaux bourgeons] ne s’est pas fait de façon aussi rapide et on pense qu’il y a eu une carence alimentair­e pendant le printemps à cause du temps froid et pluvieux», a expliqué Mme Delisle en entrevue avec La Presse canadienne.

Contrairem­ent à ce que l’on pourrait croire avec un tel nom, la tordeuse du bourgeon de l’épinette s’attaque davantage au sapin qu’à l’épinette noire, celleci étant plus souvent épargnée en raison d’un débourreme­nt plus tardif.

L’épidémie actuelle, qui affecte environ 7 millions d’hectares surtout sur la Côte-Nord, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, dans le Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie et le Témiscamin­gue, n’a rien d’exceptionn­el, selon les experts, à une exception près, qui, elle, serait attribuabl­e au réchauffem­ent climatique, selon Yan Boulanger, spécialist­e en écologie forestière à Ressources naturelles Canada.

«La tordeuse revient tous les 35 ans environ. Ce qui est particulie­r, c’est qu’on observe depuis certaines années une améliorati­on des conditions climatique­s qui sont propices au développem­ent de la tordeuse sur la CôteNord, des conditions que l’on n’observait pas, notamment, lors de la dernière épidémie en 1970», a-t-il expliqué en entrevue téléphoniq­ue.

Jusqu’où le réchauffem­ent climatique pourrait-il pousser la tordeuse? Trop loin pour sa survie, affirme Yan Boulanger.

«Les modèles de réchauffem­ent nous indiquent que les conditions climatique­s favorables au développem­ent de la tordeuse vont de plus en plus survenir vers le nord», souligne-t-il. Mais il ajoute que, selon les pires scénarios de réchauffem­ent, «ça migre tellement vers le nord qu’à un moment donné ces conditions ne se superposen­t plus avec les autres».

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