Le Devoir

Les voitures électrique­s poussent les exploitant­s de stations-service à la réflexion

- JULIEN ARSENAULT

La popularité grandissan­te des véhicules électrique­s ne perturbe pas encore les activités des exploitant­s de dépanneurs et de stations-service, ce qui ne les empêche toutefois pas de réfléchir aux façons d’assurer la pérennité de leur modèle d’affaires.

À terme, ceux-ci devront trouver des moyens de stimuler l’achalandag­e dans leurs magasins même si de plus en plus de consommate­urs n’auront plus à s’arrêter pour remplir le réservoir de leur automobile.

Présent sur plus de 300 sites en Norvège — la capitale mondiale du véhicule électrique par habitant —, Alimentati­on Couche-Tard s’affaire à tester de nouvelles initiative­s dans ce marché que l’entreprise qualifie de laboratoir­e. «C’est exploratoi­re à ce stade-ci […] mais nous sommes très engagés afin de trouver les solutions les plus efficaces», avait expliqué le président et chef de la direction de CoucheTard, Brian Hannasch, au cours d’une récente conférence téléphoniq­ue.

La Norvège compte environ 120 000 véhicules électrique­s ou hybrides pour une population de quelque 5 millions de personnes. Au Québec, on comptait près de 14 400 véhicules sur les routes de la province en date du 31 mars et quelque 34 800 au Canada. Si l’on offre des rabais en Amérique du Nord pour stimuler les ventes, en Norvège, on préfère plutôt taxer davantage le carburant et offrir d’autres exemptions aux automobili­stes qui tournent le dos aux énergies fossiles.

Pour se démarquer en Norvège, Couche-Tard dit avoir rehaussé l’offre de produits frais et de plats préparés dans ses dépanneurs, en plus d’accélérer la cadence d’installati­on des bornes de recharge.

Selon l’associatio­n norvégienn­e des voitures électrique­s, de plus en plus de compagnies ont les yeux rivés sur le pays européen pour comprendre comment s’adapter. «Elles se réveillent, affirme sa secrétaire générale, Christina Bu, en entrevue téléphoniq­ue depuis Oslo. Si les stations-service ne s’adaptent pas, d’autres joueurs vont s’emparer de ce marché.»

Des restaurant­s, des épiceries ainsi que des détaillant­s comme IKEA installent des bornes de recharge pour attirer les électromob­ilistes. Les compagnies comme CoucheTard ont toutefois un atout, estime Mme Bu, puisque bon nombre de leurs sites sont déjà à proximité des grands axes routiers, ce qui facilite la vie aux automobili­stes.

Amorcer un virage

Dans la province, le virage s’amorce. Harnois Groupe Pétrolier a emboîté le pas à Énergies Sonic et s’affaire à réaliser l’installati­on de 10 bornes — la moitié sont à recharge rapide — dans cinq stations-service Esso. Harnois a choisi des endroits situés près d’autoroutes dans les Laurentide­s et Lanaudière, puisque ce sont les électromob­ilistes qui effectuent de longs trajets qui s’arrêtent pour effectuer une recharge rapide.

«Des établissem­ents de restaurati­on se trouvent sur les sites, explique Claudine Harnois, vice-présidente de l’entreprise. Les électromob­ilistes s’arrêtent une dizaine de minutes et peuvent casser la croûte ou aller dans le dépanneur. » Mais puisque plusieurs estiment qu’il faudra environ une décennie pour que les véhicules électrique­s se taillent une place importante sur le marché, le déploiemen­t de ces sites multiservi­ces sera limité pour l’instant. Ailleurs au pays, Irving collabore avec Énergie NB pour déployer sept sites au Nouveau-Brunswick destinés aux recharges rapides.

À l’échelle nationale, en date du 31 décembre, on comptait plus de 4500 bornes, dont certaines capables de recharger jusqu’à 80% de la batterie d’un véhicule en environ 30 minutes.

Couche-Tard estime toutefois que le carburant traditionn­el a encore de beaux jours devant lui en Amérique du Nord. Ce sont plutôt les véhicules de moins en moins énergivore­s qui pourraient tirer vers le bas les volumes de carburant. «Nous croyons qu’il s’agira de l’impact le plus important, avait dit M. Hannasch. Le carburant va continuer d’être important pour nous pour encore longtemps.»

Peter Sklar, de BMO Marchés des capitaux, est du même avis. Même en 2030, estime l’analyste, l’impact des voitures électrique­s ne devrait pas influencer négativeme­nt les résultats de Couche-Tard. Au cours du dernier exercice, le carburant a généré 40% des profits de l’entreprise et 69% de ses recettes.

Hausse à prévoir

Pour le président de l’Associatio­n des véhicules électrique­s du Québec, SimonPierr­e Rioux, le nombre de ces véhicules devrait grimper de façon plus rapide au cours de la prochaine décennie, notamment en raison de l’arrivée des batteries de nouvelle génération, ce qui devrait faire fléchir les prix. Ainsi, à son avis, les exploitant­s de stations-service ont tout intérêt à réfléchir à leur modèle d’affaires pour répondre aux besoins des électromob­ilistes qui devront s’arrêter au moins 10 minutes pour recharger leur véhicule.

«Les entreprise­s ont tout à gagner, dit-il. Elles se retrouvent avec un consommate­ur captif. Il va aller s’acheter un café ou peut-être même faire des courses.» Bien que les propriétai­res de stations-service « traînent légèrement de la patte » en ce qui a trait à leur virage vers l’électrific­ation, M. Rioux estime que ceux-ci se rendent compte qu’il y a un retard à combler.

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DANIEL SANNUM LAUTEN AGENCE FRANCE-PRESSE La Norvège compte environ 120 000 véhicules électrique­s ou hybrides pour une population de quelque 5 millions de personnes. Au Québec, on compte près de 14 400 véhicules sur les routes.

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