Pourquoi ne pas tout dire à propos des travailleurs migrants ?
L’auteur souhaite commenter notre dossier sur les travailleurs étrangers agricoles publié le 1er juillet 2017.
Quoi qu’en dise le vérificateur général du Canada, monsieur Michael Ferguson, la preuve est faite et fort bien documentée, depuis plusieurs années, que, malheureusement, les travailleurs locaux ne veulent pas d’emplois en agriculture, ni saisonniers ni permanents. Le programme qui permet l’embauche de travailleurs étrangers pour des périodes plus ou moins longues est donc essentiel. L’organisme FERME, Fondation des entreprises en recrutement de main-d’oeuvre agricole étrangère, de même que différents services, comme celui de la Maind’oeuvre agricole de l’Union des producteurs agricoles, ou encore Agri-Carrières, disposent de données fort éloquentes sur la question.
Lorsque je prends connaissance de certaines informations véhiculées par les médias, j’ai l’impression, comme propriétaire d’une entreprise de production en serre, que quelqu’un veut me placer dans la situation où je serais complice de certaines pratiques douteuses, d’influence indue sur les travailleurs étrangers, d’ententes lointaines avec des gangs de malfaiteurs et d’extorqueurs.
Nous ne demandons pas la venue chez nous de travailleurs étrangers pour les exploiter ou les maltraiter. Nous agissons dans le cadre des lois, des règles, de l’équité et du bon sens. Nous agissons avec humanité avec nos travailleurs, peu importe qu’ils soient d’ici ou d’ailleurs.
Chez Savoura, nous n’avons aucune objection à ce que bien davantage de visites d’inspection soient effectuées dans nos installations et dans les logements mis à la disposition des employés pour vérifier les conditions dans lesquelles ils travaillent et ils vivent. D’ailleurs, de telles inspections ont déjà été plus fréquentes, pratique qui a changé on ne sait pourquoi !
Pour ce qui est de la santé, des accidents et des maladies possibles, nous demandons à nos travailleurs de nous en faire part rapidement. Des cas peuvent devenir compliqués et dangereux si on tarde à intervenir et à confier aux professionnels compétents les personnes touchées.
Une «omertà»
Cependant, nous ne pouvons être tenus responsables des cas où, volontairement, des travailleurs gardent secrets des incidents et demandent à leur entourage de faire de même. Qui exactement impose cette «omertà»? Nous serions les premiers heureux de l’apprendre.
Je crois que le mal vient essentiellement du pays d’origine des travailleurs. Des «mafias» locales exigent des paiements importants, en dehors du cadre normal et censément prévu du recrutement. De la sorte, les extorqueurs disent pouvoir garantir du travail à des personnes qui sont tenues dès le départ, avant même leur arrivée au Canada, au silence. La crainte existe, certes, mais chez Savoura (Les Serres Sagami inc.), nous prônons l’ouverture, la collaboration la plus étroite, tout cela pour le bien-être des travailleurs et le bon fonctionnement de nos activités.
Le gouvernement canadien a assoupli les règles d’entrée au pays des travailleurs étrangers. Nous sommes heureux de cette décision. En parallèle cependant, pourquoi n’y aurait-il pas élaboration de protocoles plus fiables entre le Canada et les pays d’origine des travailleurs, dans les opérations de recrutement ?
Les travailleurs qui arrivent chez nous, déjà enfermés dans un étau du secret, n’ont souvent d’autre réflexe que de poursuivre en silence ce qu’ils ne veulent absolument pas perdre, c’est-àdire un travail qui leur fournira de quoi améliorer leurs conditions de vie. Encore faut-il que personne n’ait au préalable contraint ces travailleurs à payer des sommes souvent importantes ou à s’endetter pour obtenir l’emploi en question.
Comme entrepreneur agricole, j’ai besoin de main-d’oeuvre et ne souhaite surtout pas que ces travailleurs se sentent exploités, ni par moi ni par d’autres qui les auraient placés en situation précaire, souvent même avant leur arrivée au Canada.
Parmi les éléments de ce qui deviendrait un protocole officiel de recrutement entre le Canada et d’autres pays, il devrait nécessairement y avoir, auprès des travailleurs potentiels, la présentation claire des règles, de la formation et de l’information et, prioritairement, l’établissement de contrats types. Si, malgré tout, des intermédiaires véreux s’infiltrent dans le processus, il revient, je crois, aux pays d’origine de faire le nécessaire.
Je n’ose prétendre que tout est parfait au Canada. J’ajoute toutefois que si des correctifs doivent être apportés par telle ou telle autre entreprise, il faudra le faire. N’oublions pas, par ailleurs, que pour nombre d’entreprises, les relations avec les travailleurs étrangers sont bonnes et mutuellement profitables. Encore une fois, tout est perfectible, mais il serait prudent et correct de ne pas généraliser sur la base de quelques cas déplorables.