Le Devoir

Reggae, dancehall, world 2.0 et chant tounsi pour King Abid

- YVES BERNARD Le Devoir Collaborat­eur

J’aime le reggae dancehall. Dans ma tête, je suis DJ, il faut donner un son plus moderne et faire danser avec un gros système de son. Après, j’essaie de ramener des sons et des textures africaines du Nord.

Quelque part entre Bob Marley et la world 2.0 de ses amis Boogat et Poirier, King Abid chante, rappe et s’exprime dans la langue tunisienne de son pays d’origine. La sauce lève au point que Radio-Canada l’a proclamé «Révélation» dans la catégorie musique du monde pour l’année en cours. Il s’amène avec Dj et MC ce samedi à la Sala Rossa dans le cadre de la série Nuits d’Afrique Sound System. Rencontre.

«J’aime le reggae dancehall. Dans ma tête, je suis DJ, il faut donner un son plus moderne et faire danser avec une grosse sonorisati­on. Après, j’essaie de ramener des sons et des textures africaines du Nord. Puis, les autres diront ce qu’ils diront.» Le personnage est attachant, et l’artiste signifiant. L’an dernier, il a fait paraître son disque homonyme dans lequel il donne plusieurs couleurs au reggae et au dancehall : dub, roots, inflexions ragga, sonorités méditerran­éennes, beats électros et passages plus aériens se suivent ou s’entremêlen­t, devant ou derrière dans la musique. Ses potes Karim Ouellet, Eman et Boogat participen­t. King Abid a le sens de la famille.

«Le meilleur mois artistique de ma vie fut avec les gars de Movèzerbe, le collectif de hip-hop de Québec. Avec Claude Bégin, Ken Lo, Boogat, Eman et Karim Ouellet, on a loué une maison familiale dans un champ avec plein de vaches. On a apporté tout notre matériel en studio: une contrebass­e, un drum, des guitares, une basse, des percussion­s, jusqu’à une trompette. Les deux dernières semaines, on est devenus fous. Je me suis retrouvé dans des vidéos à faire des solos de guitare, alors que je n’en avais jamais joué. On jouait du jazz, c’était incroyable.»

Dans sa tête et dans sa langue

Heythem Tlili, dit King Abid, s’était installé dans la capitale en 2002, arrivant de la Tunisie. Né et élevé à La Marsa, à 15 kilomètres de Tunis, dans une banlieue paisible et verte sur le bord de la mer, il écoutait aussi bien Michael Jackson, George Clinton et du jazz que ses icônes du reggae : Bob, Aswad, Burning Spear et Jacob Miller. Dans sa musique, il a adopté le reggae qui était populaire… dans sa tête et celle de ses amis, comme il le dit: «On s’est fait notre trip dans un pays dictatoria­l. Il ne fallait pas qu’on pense trop et il ne fallait pas fumer d’herbe sous peine d’un an de prison. Il n’y avait pas trop de concerts de rap et de reggae. »

Il faisait des versions de Bob dans sa langue tunisienne que l’on appelle aussi le tounsi: « C’est un mélange de langues vivantes. Il y a des mots français conjugués en arabe, de l’italien, de l’espagnol et un peu d’anglais éparpillé dans tout ça. Les gens de l’Arabie saoudite ne peuvent pas nous comprendre. » Un peu comme le joual et le français ? «Oui, mais c’est encore plus éloigné. Ça fait plus de 1000 ans qu’on est colonisés par-ci par-là.»

Et la Tunisie actuelle, celle d’après la révolution du jasmin, qu’en pense-t-il ? «J’y retourne et je pense qu’on va s’en sortir. Je suis peut-être un peu utopique, mais ça va bien. Je vois que tout le monde peut parler. Je sais que la corruption est encore au maximum, mais il y a de l’espoir.» Dans sa pièce Tounes Horra écrite après la révolution, il implore de garder les yeux ouverts pour ne pas que les vieux politicien­s reviennent. Dans Come to Tunisia, il demande aux étrangers de venir et de ne pas avoir peur des islamistes.

Depuis 20 ans, King Abid est DJ: «Avant, c’était le reggae dancehall, mais j’ajoute maintenant l’électro, le hip-hop et beaucoup d’afrobeat. J’aime vraiment beaucoup le nouvel afrobeat. Depuis que le PC est devenu plus accessible pour les Africains, ils sont arrivés à avoir un son qui sonne bien. » Cela pourrait-il être intégré dans le deuxième album de King Abid? C’est bien possible. KING ABID À la Sala Rossa, ce samedi 22 juillet à 22 h. Première partie: Bob Bouchard. festivalnu­itsdafriqu­e.com

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STÉPHANE BOURGEOIS L’an dernier, King Abid a fait paraître son disque homonyme dans lequel il donne plusieurs couleurs au reggae et au dancehall.

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