Le Devoir

Un fabuleux petit resto dans les Laurentide­s

- ★★★1/2 $$$ L’ÉPICURIEUX LESLEY CHESTERMAN Collaborat­ion spéciale

Loffre de restaurant­s dans les Laurentide­s est, comment dire… limitée. Oui, il y a la rue Principale à Saint-Sauveur et le village de Tremblant, tous deux remplis d’endroits pour s’empiffrer. Mais les tables raffinées sont aussi rares qu’une copie de The Gazette dans un dépanneur de Joliette.

Pourtant, ce ne fut pas toujours le cas. Pendant plusieurs décennies, le royaume du curé Labelle a été une destinatio­n privilégié­e des gastronome­s.

Songeons, par exemple, à La Sapinière, au Bistro à Champlain, à La Clé des champs, à Grey Rocks, Carling Lake et au très regretté L’Eau à la bouche d’Anne Desjardins. Mais, au cours des années, les foodies urbains ont préféré manger dans les restos de ville plutôt branchés que dans les établissem­ents apaisants à la campagne.

Certes, le problème de l’alcool au volant n’a pas aidé la cause, mais selon des amis qui partent pour le Nord les fins de semaine, il est souvent plus relaxant de cuisiner à la maison que d’aller dans un resto chic. Qui sait, Ricardo y est peut-être pour quelque chose !

Moi-même résidente laurentien­ne le week-end, je confirme que c’est l’endroit idéal pour relaxer devant la cuisinière ou le feu de camp, alors, ce manque de restaurant­s à recommande­r au Nord n’est pas si grave.

Par contre, on commence à y voir un peu de mouvement côté gourmand, ce qui pourrait inciter les gens à laisser la guimauve rôtie et à sortir de leur chalet ou condo en bordure de pistes de ski.

J’ai un vrai coup de coeur pour la boulangeri­e Merci la vie, à Prévost, j’adore La Table des gourmets à Val David, et de biais, à quelques encablures en bordure de la rivière Rouge, ma plus récente découverte est le fabuleux petit resto L’Épicurieux.

Salle à manger chaleureus­e

Comme le restaurant loge à la même enseigne q’une location de canoë-kayak, il est facile de le louper. J’ai passé tout droit plusieurs fois l’été dernier en allant au marché de Val-David ou à l’événement 1000 Pots. Dommage parce que L’Épicurieux, ouvert juste il y a un an, est un petit bijou.

Les trois partenaire­s à la barre de cette entreprise, originaire­s des Laurentide­s, sont Maxime Laverdure et Dominic Tougas en salle, et Fanny Ducharme en cuisine. Laverdure et Tougas ont travaillé notamment en cuisine, bar, gestion, marketing, communicat­ions et télévision, et Ducharme a passé ces dernières années dans les cuisines de la Cabane à sucre Au Pied de cochon.

Le trio a créé un restaurant sans prétention, avec une cuisine créative élaborée et un service pointu et courtois. Quant à la carte des vins, c’est un véritable régal pour tout amateur de vins à prix corrects. On voudrait tous les goûter! Comme pour le menu, dont on voudrait aussi tout goûter!

De plus en plus de restaurant­s favorisent ce style avec l’option de commander plusieurs plats à partager, au lieu de la classique formule entréeplat-dessert, et je partage leur enthousias­me. Il y a 15 plats et 3 desserts, avec quelques mets du jour en plus. Idéalement, on commande environ cinq plats pour deux personnes, mais chacun son truc.

Avec ses airs campagnard­s sans tomber dans les clichés de pot-pourri et de rideaux de dentelle, la salle à manger est chic et chaleureus­e. Mais à cette période de l’année, la belle terrasse qui longe la rivière est irrésistib­le. Nous avons démarré la soirée avec un Pimm’s cocktail (appelé To the Queen!) suivi d’une bouteille de rosé d’Anjou, puis de jolis petits plats sont apparus, en commençant par une salade de tomates et des pappardell­es aux asperges.

Préparée avec des tomates ancestrale­s de couleurs variées et enrichie de feta québécoise, la salade était garnie d’herbes fines et d’une huile infusée à l’ail. Normalemen­t, cette salade est faite avec de la mozzarella fraîche, mais j’aimais bien ce petit détour avec un fromage plus salé qui rehaussait le goût des tomates qui, mystérieus­ement à cette période de l’année, étaient plutôt fades.

Fraîches et un peu pâteuses, les papardelle­s ont bien absorbé leur sauce de fond de volaille fumée et la garniture d’asperges et de copeaux de parmesan était bien balancée, mettant les pâtes en avant comme le font les Italiens.

Autant le plat manquait un peu de punch, autant on l’a quand même dévoré en un rien de temps.

Plats préférés

Les plats suivants, un tartare de saumon et un carpaccio de boeuf, furent mes préférés de la soirée. Le tartare de saumon est aussi courant que la poutine dans les restaurant­s québécois, mais celui-ci avait une rare délicatess­e, avec de beaux morceaux de saumon cru mélangés avec des cubes de pomme, de céleri, beaucoup d’herbes et juste assez de mayonnaise crémeuse pour lier le tout.

Déposé sur des croûtons, ce mélange avait un goût frais et délicat, en plus de diverses textures appétissan­tes. Super! Et pour le carpaccio, encore le cru (c’est un thème fort dans ce menu), avec de fines tranches de boeuf relevées de mayonnaise à l’estragon et de grains de moutarde, le tout garni de pignons et de parmesan. Léger et goûteux, avec un concentré subtil de saveurs, c’est le plat estival idéal.

Comme assiettes plus copieuses, il y avait deux spéciaux de la soirée: un filet de flétan et un flanc de porc. Mais après l’avoir zieuté à la table voisine, le burger végétarien était lui aussi tentant. Le poisson était servi en filet avec une sauce épicée et recouvert d’une caponata de légumes. Très bon, même si le poisson était un soupçon trop cuit.

Un franc succès

Le porc, par contre, était parfait. Servi avec des fraises et une brunoise de betteraves avec le carré de gras croustilla­nt posé sur la viande, celui-ci fondait littéralem­ent en bouche. J’étais sceptique sur le choix d’accompagne­ments sucrés, mais en fin de compte, le porc, comme le canard, se marie bien avec des fruits. Osé, mais un franc succès.

Quant au burger, pris à part, la galette de pois chiches ne goûtait pas grand-chose. Mais dégusté avec les herbes, la mayonnaise au cari, les tranches de concombre, les radis et une belle tranche de fromage de chèvre, ce burger végétarien était un régal. Ce n’est pas le meilleur que j’aie goûté (mon préféré est servi au restaurant végétarien LOV), mais il ne m’a pas fait regretter la versioncar­nivore.Rare!

Pour le dessert, je recommande fortement le joli et pas trop sucré gâteau au fromage de chèvre servi avec un sorbet à la rhubarbe, ou même la verrine de panna cotta garnie d’un financier aux noix et un surprenant pesto de menthe sucrée.

Aussi, même si le dessert n’est pas votre passion, considérez l’affogato. Composé de crème glacée au pain brûlé inondé d’espresso, ce dessert est tellement bon que j’ai léché le fond du verre.

S’il n’est pas un «grand» restaurant, L’Épicurieux est un sacré bon resto où la chaleur et la générosité lui donnent un cachet très attachant. Non seulement à cause de la gentilless­e des serveurs, mais aussi grâce à la créativité dans les assiettes qui traduit une maîtrise en cuisine.

Avec des jeunes comme ceux de L’Épicurieux impliqués dans la restaurati­on des Laurentide­s, l’avenir de cette magnifique région sous-exploitée commence à livrer son potentiel.

 ?? PHOTOS SARA FARQUHARSO­N ?? Les trois partenaire­s de l’Épicurieux ont créé un restaurant sans prétention, avec une cuisine créative élaborée et un service pointu et courtois.
PHOTOS SARA FARQUHARSO­N Les trois partenaire­s de l’Épicurieux ont créé un restaurant sans prétention, avec une cuisine créative élaborée et un service pointu et courtois.
 ??  ?? De plus en plus de restaurant­s favorisent l’option de commander plusieurs plats à partager, au lieu de la classique formule entréeplat-dessert.
De plus en plus de restaurant­s favorisent l’option de commander plusieurs plats à partager, au lieu de la classique formule entréeplat-dessert.

Newspapers in French

Newspapers from Canada