Le Devoir

La Cour supérieure inflige un revers à Gaétan Barrette

Quelque 1300 gestionnai­res d’établissem­ent pourront récupérer jusqu’à 200 millions en indemnités de départ

- AMÉLI PINEDA

Le ministre de la Santé et des Services sociaux (MSSS), Gaétan Barrette, a enfreint la loi en 2015 lorsqu’il a adopté un règlement pour entre autres éviter de payer des indemnités de départ aux cadres dont les postes allaient être abolis avec sa réforme, a tranché une juge.

Ce revers judiciaire pourrait coûter jusqu’à 200 millions de dollars à Québec.

L’Associatio­n des gestionnai­res d’établissem­ent de santé et de services sociaux (AGESSS) vient de remporter une importante bataille judiciaire qui permettra à quelque 1300 gestionnai­res, dont les postes avaient été supprimés en mars 2015 lors de la réforme de la santé, de récupérer une année de salaire en indemnités de départ.

«C’est une grande victoire pour les gestionnai­res qui se sont tenus debout pour faire valoir leurs droits », s’est réjouie Chantal Marchand, présidente de l’AGESSS.

À l’époque, le ministre Barrette avait adopté un règlement modifiant les conditions de travail des gestionnai­res de la santé. Il aurait voulu se dépêcher de corriger une erreur de date dans la Loi 10 sur la réforme du système de santé. Par décret, il avait notamment réduit de 24 à 12 mois la période maximale d’indemnités accordées aux cadres dont les postes étaient abolis.

L’AGESSS avait donc décidé de se tourner vers les tribunaux en avril 2015 pour demander l’annulation du règlement. Deux ans plus tard, la Cour supérieure leur donne raison.

200 millions de dollars

Dans une décision rendue le 20 juillet, la juge Suzanne Ouellet note plusieurs écueils à la validité du règlement. La juge souligne que le ministre n’était pas habilité à l’adopter et tranche que le règlement a été adopté en «violation» de la Charte canadienne des droits et libertés de la personne.

La juge Ouellet a retenu la totalité des arguments soumis par l’AGESSS.

«On a imposé à nos membres une réforme qui s’est faite sur leur dos et à leurs dépens. La juge vient confirmer l’illégalité de la démarche ministérie­lle », a souligné Mme Marchand.

L’AGESSS estime que cette victoire permettra de dédommager environ 1300 cadres et pourrait coûter au MSSS jusqu’à 200 millions

La juge Ouellet constate également que l’AGESSS n’a pas été dûment consultée avant que les modificati­ons aux conditions de travail de ses membres soient adoptées. Elle rappelle au ministre que le processus de consultati­on n’est pas facultatif puisque ces cadres bénéficien­t de la protection constituti­onnelle relativeme­nt à la liberté d’associatio­n, qui comprend le droit à la négociatio­n collective. « Le Tribual conclut que le processus de consultati­on fut ignoré par le MSSS. La course contre la montre ne justifiait pas le MSSS d’enfreindre l’obligation de consultati­on», écrit-elle.

Pourtant, a rappelé Mme Marchand, l’Associatio­n avait à plusieurs reprises tenté de rencontre le ministre Barrette.

«Ça fait des années et des années que l’AGESSS était consultée lorsqu’il y avait des réorganisa­tions et elle a toujours négocié de bonne foi et même à l’époque avec le projet de loi sur la réforme, on était prêt à le faire, mais le ministre est arrivé avec son règlement.»

L’AGESSS estime que ce jugement envoie un signal très clair au gouverneme­nt: il doit respecter les droits des cadres.

«Au Québec, il y a des Chartes, il y a des droits et des obligation­s pour tous les groupes de la société. Il faut consulter les associatio­ns lorsqu’on souhaite modifier leurs conditions. Les groupes veulent participer aux réformes lorsqu’il y en a, on doit les respecter», a fait valoir Me Eugène Abarrategu­i, avocat et coordonnat­eur du Service des affaires juridiques et ressources humaines de l’AGESSS.

Le cabinet du ministre Barrette n’a pas souhaité commenter le verdict. «Le MSSS prend acte de ce jugement et analysera, dans les délais requis, les meilleures suites à [y] donner », peut-on lire dans un bref communiqué publié le 20 juillet.

La réforme du réseau de la santé, connue comme la «réforme Barrette», avait été adoptée sous le bâillon, par le gouverneme­nt de Philippe Couillard en février 2015. En plus des nombreuses suppressio­ns de postes, elle avait notamment entraîné l’abolition des Agences de la santé et des Centres de santé et de services sociaux.

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Gaétan Barrette

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