Un Valérian vaguement dans les formes
L’adaptation du cinéaste français reste surtout à la surface naïve des choses
VALÉRIAN ET LA CITÉ DES MILLE PLANÈTES (V.F. VALERIAN CITY DE AND THE OF THOUSAND PLANETS) A ★★★
Des emprunts, un vague esprit, quelques formes, oui! Mais la comparaison du film Valérian et la Cité des mille planètes de Luc Besson avec l’album de bande dessinée L’ambassadeur des Ombres (Dargaud), tome VI de la série de science-fiction Valérian et Laureline, mise au monde en 1967 par Pierre Christin et JeanClaude Mézières, auquel le film cherche à se coller, ne pourrait certainement pas aller plus loin.
De cette aventure singulière et politiquement chargée, tout comme de l’oeuvre majeure du 9e art qu’elle nourrit en 23 volumes, le réalisateur du Cinquième élément et du Grand Bleu ne tire finalement qu’un récit d’action terriblement générique, aux effets spéciaux impressionnants, certes, mais un récit qui reste sur la surface naïve et prévisible des choses.
Oubliez donc la réflexion sur le droit à l’autodétermination des peuples, sur l’indépendance, sur l’insoumission, sur l’illusion des instances internationales et sur le pacifisme portée par l’aventure dessinée. Sur grand écran, Valérian et Laureline deviennent surtout le prétexte à une énième mise en victime d’une gentille tribu d’oisifs en harmonie avec la nature par les méchants intérêts supérieurs de la guerre et des pouvoirs qu’ils protègent.
Leur résistance va passer par l’enlèvement d’un «commander» responsable de son propre malheur pour avoir sacrifié la beauté d’un monde dans son passé. Dans leur quête pour retrouver le bonhomme, les deux héros, agents spatio-temporels en mission permanente dans l’espace et le temps et cultivant une histoire d’amour, vont découvrir le pot aux roses. Dès les premières minutes du film, l’Avatar de James Cameron vient bien plus à l’esprit que la «planète sans nom» et le «peuple des ombres» du chapitre VI de la série de Mézières et Christin.
Bien sûr, il y a des clins d’oeil sympathiques. La présence du trio de Shingouz, ces drôles d’espions informateurs, la collecte par Laureline d’une méduse géante sur le dos d’un Groubos pour «voir» où se trouve Valérian — scène sublime mettant en scène un Alain Chabat qui l’est tout autant —, le polymorphisme des Suffuss, incarné à l’écran par une Rihanna envoûtante, en font partie.
Mais le réalisateur marche surtout en grande liberté sur les territoires narratifs défrichés et circonscrits par le duo de bédéistes, dont on perd la critique sociale, la philosophie des Lumières, inhérente à l’oeuvre, tout comme les déplacements dans le temps — une part pourtant importante de la série —, ou encore le féminisme fortement affiché par Laureline, héroïne à l’avantgarde dans sa version dessinée, et qui s’affirme de manière surtout caricaturale dans des fragments de dialogues entre elle et son compagnon de quête.
Il faut donc excuser beaucoup de libertés pour s’abandonner à cette transposition qui confirme que, pour exister au cinéma, une oeuvre en bande dessinée doit surtout réussir à devenir autre chose. Et c’est cette dilution, cette perte de signal sur la tableau de bord de l’adapation, que Luc Besson rend finalement la plus convaincante.