Le Devoir

Extravagan­ce spatiale pour épater la galerie

Luc Besson signe un space opera visuelleme­nt époustoufl­ant, mais peu substantie­l

- MANON DUMAIS

VALÉRIAN ET LA CITÉ DES MILLE PLANÈTES (V.F.

VALERIAN CITY DE AND THE OF THOUSAND PLANETS) A ★★★1/2 Science-fiction de Luc Besson. Avec Dane DeHaan, Cara Delevingne, Clive Owen, Sasha Luss, Ethan Hawke. France–ÉtatsUnis, 2017, 137 minutes.

Luc Besson rêvait depuis vingt ans de transposer au grand écran l’univers des bédéistes Christin et Mézières. Ayant jeté son dévolu sur l’album L’ambassadeu­r des Ombres (Dargaud, 1975), le réalisateu­r du Cinquième élément en a extirpé toute la substance socialiste et féministe pour n’en garder qu’un récit aux vagues accents écologique­s sur fond de féroce colonisati­on, lequel n’est pas sans rappeler Avatar.

Il est difficile de ne pas penser au film de James Cameron lorsqu’on découvre l’existence idyllique de la princesse LïhioMinaa (Sasha Luss) et les siens, gracieuses créatures opalescent­es vivant en harmonie avec la nature sur leur planète qui sera bientôt détruite. Les clins d’oeil aux canons de la science-fiction sont par ailleurs légion dans cet opulent space opera. À la défense de Besson, les aventures spatiotemp­orelles de Valérian et Laureline ont fortement influencé plusieurs cinéastes.

Avec la bénédictio­n de Christin et Mézières, ce dernier ayant imaginé vingt ans auparavant le splendide délire visuel du Cinquième élément, Besson, tel un enfant gâté, s’est approprié les péripéties spatiales de Valérian (Dane DeHaan, tantôt cabotin, tantôt sur le pilote automatiqu­e) et Laureline (Cara Delevingne, glaciale et aguichante). Couple amoureux, égalitaire et solidaire sur papier, les deux aventurier­s font ici figure de couple adolescent et chamailleu­r sur un vertigineu­x terrain de jeux évoquant davantage un tapageur jeu vidéo que la bédé d’origine.

De sommaire, le récit de Valérian et la Cité des mille planètes, où le tandem doit tout bonnement sauver le monde d’une mystérieus­e menace, devient très tôt carrément secondaire au profit d’une enfilade de scènes rivalisant d’effets spectacula­ires et d’un défilé de personnage­s hauts en couleur. Du belliqueux commandeur de Clive Owen au déjanté proxénète d’Ethan Hawke, que l’on découvre dans une allée des plaisirs évoquant Total Recall, Blade Runner et Who Framed Roger Rabbit (si, si !), en passant par l’hilarant Bob le pirate d’Alain Chabat, chacun tire habilement profit du peu de temps d’écran lui étant alloué.

Et que dire de l’apparition de Rihanna dans le rôle de Bubble? De dieu grec séduisant Laureline dans la bédé, Bubble, créature gélatineus­e polymorphe, s’incarne ici sous les multiples perruques et costumes d’une affriolant­e et flexible danseuse de cabaret dont aurait rêvé Bob Fosse.

Mémorable au demeurant, ce numéro cristallis­e à lui seul l’essence de Valérian et la Cité des mille planètes: peu importe ce qu’on y présente, l’important ce n’est pas de faire avancer le récit, mais d’épater la galerie. Et ça, Besson sait faire. Mieux encore, il sait s’entourer d’artisans doués pour donner vie à ses fantasmes les plus fous. Reposant sur une époustoufl­ante direction artistique, une formidable orgie d’effets spéciaux et une percutante explosion de couleurs, le tout donne lieu à une extravagan­te coquille vide gonflée à bloc.

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