Le Devoir

Recyclage : performanc­e à la baisse au Québec

- ANNABELLE CAILLOU

Le Québec devrait revoir sa façon de récupérer et de recycler ses matières résiduelle­s, estime un organisme environnem­ental, interpellé par la baisse de 5% du taux d’achemineme­nt de ces matières aux fins de recyclage entre 2012 et 2015.

Si 59% des matières résiduelle­s récupérées sortaient des centres de tri pour être recyclées en 2012, cela ne concernait que 54% d’entre elles en 2015, indique le Bilan 2015 de la gestion des matières résiduelle­s au Québec, publié par RECYC-QUÉBEC la semaine passée.

«Les dernières années, on se maintenait; là, ce n’est plus de la stagnation, c’est un recul. Ça montre qu’on n’a pas fait les efforts qu’on aurait dû faire», se désole Karel Ménard, directeur du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets (FCQGED), qui milite pour mettre sur pied des solutions aux méthodes traditionn­elles de traitement des déchets.

Le Québec n’a en effet pas réussi à atteindre l’objectif qu’il s’était donné dans son plan d’action 2011-2015, soit de recycler 70 % du papier, du carton, du plastique, du verre et du métal résiduels.

Le verre serait principale­ment en cause, selon RECYC-QUÉBEC. Les chiffres le montrent: seuls 14% du verre et 18% du plastique récupérés sont recyclés, contre 79% du papier et carton ainsi que 49 % du métal.

En comparaiso­n, l’organisme écrit dans son bilan qu’« en 2010, au niveau résidentie­l, plus de la moitié (53%) du verre a été acheminé au recyclage alors que cinq ans plus tard, [ce n’est le cas que] de 14% du verre», le reste étant expédié dans des lieux d’enfouissem­ent à des fins de recouvreme­nt, entre autres.

RECYC-QUÉBEC explique ceci par «le niveau élevé de contaminat­ion du verre en centre de tri». Et en se brisant dans la collecte sélective, le verre risque de contaminer les autres matières.

Un plan d’action à revoir

«Si on stagne et qu’on recule, c’est peut-être qu’il y a quelque chose qu’on ne fait pas de la bonne façon », soulève M. Ménard, pour qui l’imposition d’une consigne sur les bouteilles de verre, comme les bouteilles de vin de la Société des alcools du Québec, serait une solution au problème. Cela permettrai­t de garder le verre intact et de mieux recycler ce type de contenant, comme avec la bière.

À cet effet, le gouverneme­nt Couillard a promis en juin dernier de moderniser le système de consigne des contenants, qui n’a pas changé depuis plus de 30 ans. Un groupe de recherche doit se pencher sur la question et sur l’enjeu de la collecte sélective, pour présenter des solutions concrètes dès cet automne.

Cinq centres de tri de la province ont aussi été équipés de nouveaux outils de traitement novateurs pour résoudre le problème du recyclage du verre, un projet mené par RECYC-QUÉBEC et Éco Entreprise­s Québec. Ce regroupeme­nt de plusieurs compagnies de la province qui vendent des produits en verre a développé dans la dernière année un système capable de produire du verre recyclé pur à 99%.

Mais M. Ménard estime que les entreprise­s devraient être plus impliquées dans l’atteinte des objectifs gouverneme­ntaux et pénalisées lorsque les chiffres ne sont pas satisfaisa­nts.

«L’entreprise qui vend un pot de cornichons n’est en aucun cas responsabl­e de la récupérati­on de son pot une fois vendu, ça retombe sur les épaules des municipali­tés qui organisent la collecte [des matières recyclable­s] », donne-t-il pour exemple.

Il s’agirait donc de traiter toutes les entreprise­s comme celles spécialisé­es dans la production d’appareils électroniq­ues, piles ou lampes qui s’exposent à des sanctions lorsque les taux de récupérati­on prédéfinis ne sont pas atteints.

«On pourrait aussi les obliger à utiliser des contenants recyclable­s ou réutilisab­les», propose-t-il.

Cette applicatio­n généralisé­e avait été envisagée par le gouverneme­nt dans son plan d’action 2011-2015, rappelle Karel Ménard, mais l’idée a finalement été abandonnée.

Sensibilis­er la population ?

Devrait-on aussi sensibilis­er davantage les Québécois au recyclage ? « Les citoyens posent les bons gestes et nous devons continuer de les encourager», estime RECYC-QUÉBEC. L’organisme note même dans son bilan que le pourcentag­e de récupérati­on par ces derniers n’a pas diminué entre 2012 et 2015, restant à 62 %.

«Il ne faut pas blâmer le consommate­ur. Oui, il peut être négligent et paresseux […] mais il est parfois embrouillé face à ce qu’il peut mettre ou non dans son bac. Ça prend de la sensibilis­ation», soutient de son côté M. Ménard.

S’il existe des outils d’informatio­n, tels que la Charte des matières recyclable­s de la collecte sélective, ils restent peu connus des citoyens et des municipali­tés, d’après lui. « Les pouvoirs publics voient la sensibilis­ation comme une dépense, alors que c’est un investisse­ment à long terme.»

Matières à l’étranger

Reconnaiss­ant les défis actuels du recyclage, RECYCQUÉBE­C reste optimiste. « De plus en plus, on voit les déchets comme une matière première, tranquille­ment, notre regard change. On a aussi de beaux succès au Québec, particuliè­rement avec tout ce qui touche à l’économie circulaire», indique l’adjoint aux médias, Alexander Guerra.

Et parlant d’économie circulaire, M. Ménard estime au contraire que le Québec ne « va pas dans ce sens ». Il s’inquiète de voir plus de la moitié des matières recyclable­s envoyées à l’étranger.

«On parle de 60% des matières de nos bacs de récupérati­on qui s’en vont ailleurs», précise-t-il, estimant que les matières vendues à des courtiers (48 %) en 2015 s’ajoutent à celles vendues « hors Québec» (13%), puisqu’«elles reviennent aux plus offrants, soit des entreprise­s étrangères, souvent ».

« Ça représente des occasions de création d’emplois ici qu’on n’exploite pas. »

M. Ménard regrette ainsi que l’énergie soit surtout mise dans la récupérati­on des matières plutôt que leur recyclage dans la province.

« Souvent, ça va au dépotoir, ça va brûler dans des incinérate­urs. On va rarement transforme­r la matière ici, alors que pour moi, c’est ça l’origine du recyclage», confie-t-il.

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Le Québec n’a pas réussi à atteindre l’objectif qu’il s’était donné dans son plan d’action 2011-2015, soit de recycler 70% du papier, du carton, du plastique, du verre et du métal résiduels.

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