Le Devoir

Ottawa ne renoncera pas au règlement de différends

- MARIE VASTEL Correspond­ante parlementa­ire à Ottawa

Nous allons toujours nous assurer qu’il y a un mécanisme équitable et juste de résolution de différends dans tout ce qu’on va signer pour améliorer l’ALENA Justin Trudeau

e gouverneme­nt canadien n’est pas prêt à renoncer au mécanisme de règlement de différends prévu à l’Accord de libre-échange nord-américain. Donald Trump a beau l’avoir inscrit à sa liste de priorités, en vue de la renégociat­ion de l’ALENA, Justin Trudeau martèle que ce mécanisme sera « essentiel » à tout accord commercial qu’acceptera le Canada.

«Je ne veux pas négocier sur la place publique, ni négocier avant que les négociatio­ns officielle­s commencent. Mais je peux rassurer tous les Canadiens [en affirmant] qu’un mécanisme de résolution des différends juste et équitable est extrêmemen­t important pour le Canada», a fait valoir le premier ministre canadien en point de presse mardi. Le matin même, le Globe and Mail citait une source haut placée au sein de son gouverneme­nt qui avançait que le Canada pourrait carrément quitter la table de négociatio­ns s’il perd ce mécanisme, qui prévoit qu’un panel binational tranche tout litige commercial entre deux pays membres de l’ALENA.

Bien qu’il s’abstienne de détailler ses positions de négociatio­ns à l’aube du début des pourparler­s, qui s’entameront à la miaoût, Justin Trudeau a néanmoins confirmé qu’il tenait au mécanisme de résolution des différends. «Ça faisait partie de notre approche sur l’accord de libre-échange avec l’Europe. C’était au coeur des premières négociatio­ns par rapport à l’ALENA et son prédécesse­ur [l’accord] Canada–États-Unis, a rappelé le premier ministre. Nous allons toujours nous assurer qu’il y a un mécanisme équitable et juste de résolution de différends dans tout ce qu’on va signer pour améliorer l’ALENA.»

Ce panel indépendan­t pour régler les litiges entre pays était aussi une condition sine qua non lors des premières négociatio­ns menant à la création de l’ALENA sous le gouverneme­nt de Brian Mulroney. Ce dernier avait même sommé son négociateu­r en chef de quitter la table de négociatio­ns, en 1987, s’il ne parvenait pas à obtenir gain de cause sur ce dossier. Trente ans plus tard, Brian Mulroney épaule aujourd’hui le gouverneme­nt de Justin Trudeau en vue de la renégociat­ion de l’accord commercial, en usant de ses relations personnell­es avec Donald Trump et des membres de son gouverneme­nt. Et des décennies plus tard, le mécanisme de résolution de différends demeure tout aussi « vital pour le Canada », arguait l’ancien premier ministre conservate­ur en avril. Il semble donc que Justin Trudeau se soit peut-être inspiré des techniques de persuasion de son ambassadeu­r officieux aux États-Unis.

Un panel partial?

Le gouverneme­nt de Donald Trump a officielle­ment publié la semaine dernière la liste de ses objectifs en vue de la renégociat­ion de l’ALENA qu’elle entreprend­ra avec le Canada et le Mexique dans moins de trois semaines. Au menu figurait notamment le fameux mécanisme de règlement des différends, déclenché lorsqu’une industrie d’un pays membre se sent lésée par l’imposition de droits antidumpin­g ou compensate­urs. Washington plaide que celui-ci a trop souvent tranché en faveur du Canada et qu’il représente une abdication de la souveraine­té du droit américain.

Or, sur les 47 causes qui ont opposé le Canada et les ÉtatsUnis en vertu du chapitre 19 de l’ALENA encadrant le mécanisme de résolution des litiges, 36 décisions ont été rendues à l’unanimité, soit près de 77%, rapportait l’avocat en commerce internatio­nal Riyaz Dattu dans les pages du Globe and Mail. C’est donc dire que les cinq membres du panel, issus des deux pays, se rangeaient tous dans le camp du Canada.

Le chapitre 19 de l’ALENA prévoit que chaque pays mêlé au litige choisit deux panélistes, tandis qu’un cinquième est choisi par consensus par les deux nations. S’il n’y a pas d’entente, un tirage au sort détermine quel pays choisira le cinquième membre.

Dans les années 1990 puis au cours des années 2000, le panel de juristes a tranché en faveur du Canada dans le dossier du bois d’oeuvre. Le lobby américain sur le bois d’oeuvre réclame son abolition, estimant qu’il est « inconstitu­tionnel » et «inapplicab­le en pratique».

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