Le Devoir

Oléoducs et autochtone­s : la Cour suprême tranchera

- MÉLANIE MARQUIS à Ottawa

La Cour suprême du Canada rendra mercredi deux importante­s décisions sur la façon dont l’Office national de l’énergie (ONE) consulte les communauté­s autochtone­s sur des projets pétroliers pouvant potentiell­ement nuire à l’environnem­ent.

L’une des causes qui ont été entendues par le plus haut tribunal au pays porte sur la canalisati­on 9B d’Enbridge, qui assure la liaison entre Sarnia, en Ontario, et Montréal. Elle ravitaille aujourd’hui la raffinerie de Suncor Énergie, dans la métropole québécoise.

La Première Nation Chippewas de la Thames, en Ontario, a demandé à la Cour suprême de casser l’approbatio­n de l’ONE, « pour ultimement arrêter » le passage du pétrole dans l’oléoduc, qui est déjà en exploitati­on, a indiqué le chef de la Première Nation, Myeengun Henry.

«Il y a deux aspects à cette affaire. Il y a l’enjeu judiciaire, mais il y a aussi la très importante relation spirituell­e que nous devons maintenir comme peuple autochtone de ce pays», a-t-il soutenu en entrevue téléphoniq­ue à La Presse canadienne, mardi. «C’est vraiment la raison pour laquelle nous nous battons: nous voulons que notre eau soit pure pour les génération­s futures», a enchaîné le chef Henry. La Cour d’appel fédérale avait majoritair­ement rejeté l’appel de la nation Chippewas, estimant que, sans la participat­ion de la Couronne dans le processus initial, l’ONE n’avait pas à déterminer si la Couronne avait l’obligation de consulter et, dans l’affirmativ­e, si elle s’en était acquittée.

Clyde River

La seconde cause qui connaîtra son dénouement mercredi est celle de la communauté inuite de Clyde River, située sur la côte est de l’île de Baffin.

Elle conteste l’autorisati­on donnée par l’ONE à des promoteurs pour effectuer des relevés sismiques dans les eaux côtières du Nunavut, dans l’espoir d’y trouver du pétrole. Ces eaux sont fréquentée­s par des mammifères marins qui pourraient être affectés par le travail de prospectio­n.

L’ancien maire de Clyde River, Jerry Natanine, qui a mené la bataille judiciaire, s’est dit impatient de prendre connaissan­ce de la décision. «Le danger est imminent quant à la sécurité alimentair­e de nos enfants et l’équilibre de l’écosystème arctique, et notre mode de vie en dépend», a-t-il souligné dans une déclaratio­n relayée par l’organisati­on environnem­entale Greenpeace.

Avec ces deux décisions, on aura une meilleure idée de la façon dont les consultati­ons entourant les projets énergétiqu­es doivent être menées auprès des communauté­s autochtone­s — mais surtout, qui doit les mener, estime Sébastien Grammond, professeur de droit à l’Université d’Ottawa.

«Le problème auquel on fait face, c’est qu’il n’y a pas de responsabi­lité clairement attribuée pour l’obligation de consulter dans un cas où c’est l’ONE qui est le décideur [de l’approbatio­n finale des projets] », a-t-il expliqué en entrevue avec La Presse canadienne. «La question, c’est de savoir si l’Office doit consulter lui-même les peuples autochtone­s ou si c’est au gouverneme­nt de les consulter, et ensuite à l’Office de décider si les consultati­ons ont été suffisante­s ou pas», a-t-il résumé.

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