Le Devoir

Vers des élections « au printemps » en Libye

Sous les auspices d’Emmanuel Macron, les deux grands rivaux libyens s’accordent sur les principes d’une sortie de crise

- CÉCILE FEUILLATRE à Paris

Les deux principaux rivaux libyens, le civil Fayez al-Sarraj et le militaire Khalifa Haftar, se sont engagés mardi en France à oeuvrer ensemble pour sortir leur pays du chaos, appelant à un cessez-le-feu et à l’organisati­on rapide d’élections.

Réunis à la Celle-Saint-Cloud, en région parisienne, à l’initiative du président français, Emmanuel Macron, MM. Sarraj et Haftar ont «agréé», mais sans la signer, une déclaratio­n en dix points qui a été lue en arabe devant la presse.

« La solution à la crise libyenne ne peut être que politique et passe par un processus de réconcilia­tion nationale associant tous les Libyens», selon la version française du texte.

«Nous nous engageons à un cessez-le-feu et à nous abstenir de tout recours à la force armée pour ce qui ne ressort pas strictemen­t de la lutte antiterror­iste», ajoutent les deux rivaux, qui appellent à la démobilisa­tion des milices et à la constituti­on d’une armée régulière.

M. Sarraj, chef du gouverneme­nt d’entente nationale (GNA) reconnu par la communauté internatio­nale, peine à asseoir son autorité en dehors de Tripoli. Le maréchal Haftar, homme fort de l’est du pays, accumule les victoires militaires sur le terrain, et nombre d’observateu­rs s’interrogen­t sur ses ambitions.

Les deux hommes se sont solennelle­ment engagés à oeuvrer pour organiser des élections «le plus vite possible».

M. Macron, qui a salué «le courage historique» des deux rivaux, avait auparavant assuré que le processus électoral serait organisé «au printemps».

Le chef de l’État a également estimé que les deux protagonis­tes avaient «la légitimité et la capacité de réunir autour d’eux» et d’influencer les myriades de groupes opérant dans ce pays éclaté.

Ligne «pragmatiqu­e»

«C’est une étape, ce n’est pas encore la paix en Libye», a estimé une source diplomatiq­ue française à l’issue de la rencontre, insistant sur le rôle du nouvel émissaire de l’ONU Ghassan Salamé, qui prend ses fonctions cette semaine et a assisté aux entretiens mardi.

MM. Sarraj et Haftar s’étaient déjà rencontrés début mai à Abu Dhabi, mais sans résultat probant.

La rencontre de La CelleSaint-Cloud marque la victoire de la ligne «pragmatiqu­e» désormais prônée par la France, qui considère Haftar comme l’un des principaux remparts contre le terrorisme.

Le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, qui était ministre de la Défense lors du précédent quinquenna­t, avait dépêché des militaires aux côtés du maréchal Haftar, et entretient d’excellente­s relations avec ses parrains régionaux, l’Égypte et les Émirats arabes unis.

L’une de ses premières initiative­s en arrivant au Quai d’Orsay a été une tournée régionale consacrée à ce dossier.

Scepticism­e italien

Cet activisme français a toutefois été vu avec une certaine inquiétude du côté de l’Italie, ancienne puissance coloniale, en première ligne face aux centaines de migrants débarquant quotidienn­ement sur ses côtes depuis la Libye, et craignant d’être mise sur la touche.

Le ministre des Affaires étrangères italien, Angelino Alfano, s’est inquiété mardi matin dans un entretien à la Stampa de la multiplica­tion des médiateurs et des initiative­s, appelant à «unifier les efforts» autour de l’émissaire de l’ONU.

«Il n’y a sur ce sujet véritablem­ent aucun écart de la position française et de la position italienne, c’est un travail commun et un travail en commun avec l’UE», a martelé M. Macron, interrogé à ce sujet.

Autre inquiétude pour certains, les droits de la personne. L’organisati­on Human Rights Watch a ainsi appelé, avant la réunion, le président français «à ne pas ignorer la litanie d’exactions commises par toutes les parties dans le conflit libyen ».

La déclaratio­n agréée mentionne la constructi­on d’un État de droit «souverain, civil et démocratiq­ue» en Libye, et cite le respect des droits de la personne.

La Libye, pays riche en pétrole, a sombré dans le chaos depuis la chute du colonel Kadhafi fin 2011: plusieurs autorités rivales et des myriades de milices se disputent le pouvoir, la menace djihadiste reste présente, et les trafics d’armes et d’êtres humains prospèrent.

Cet activisme français a toutefois été vu avec une certaine inquiétude du côté de l’Italie, ancienne puissance coloniale, en première ligne face aux centaines de migrants débarquant quotidienn­ement sur ses côtes depuis la Libye

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PHILIPPE WOJAZER AGENCE FRANCE-PRESSE Le président français, Emmanuel Macron, entouré par le premier ministre libyen, Fayez al-Sarraj, et le général Khalifa Haftar, en France, mardi, pour sortir la Libye de la crise

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