Le Devoir

Une étude révèle un lien accablant entre pratique du football et encéphalop­athie

- LINDSEY TANNER à Chicago

Une proportion très élevée de joueurs de football de la NFL, de la Ligue canadienne ainsi que des réseaux universita­ire et secondaire ayant fait l’objet d’une étude approfondi­e souffrent d’encéphalop­athie traumatiqu­e chronique (ETC).

C’est ce que démontrent les résultats accablants d’une étude portant sur le lien entre la pratique du football et l’ETC, publiée mardi dans le Journal of the American Medical Associatio­n.

L’étude, dirigée par la Dre Ann McKee, ne confirme pas que cette condition est commune chez tous les joueurs de football, mais plutôt qu’elle est présente en grand nombre dans les cerveaux recueillis par l’Université de Boston et le Sports Legacy Institute, devenu aujourd’hui le Concussion Legacy Institute.

«Il reste toujours plusieurs questions sans réponse, a souligné la Dre Ann McKee, neuroscien­tifique de l’Université de Boston, qui a dirigé cette recherche. À quel point cette condition est commune dans la population en général? Chez les joueurs de football? Combien d’années de pratique du football constituen­t un risque? Quel est le risque génétique? Certains joueurs ne présentent aucun symptôme même s’ils ont joué plusieurs années », souligne-t-elle.

Il est pour l’instant impossible de déterminer si les habitudes de vie — consommati­on de drogues, d’alcool ou de stéroïdes — ont pu jouer un rôle, a ajouté McKee.

Des symptômes néfastes

L’encéphalop­athie traumatiqu­e chronique est une maladie identifiée par le Dr Bennet Omalu, qui le premier a établi une corrélatio­n entre des chocs crâniens répétitifs que subissent les joueurs de football et une dégénéresc­ence prématurée des facultés cognitives. Les personnes atteintes de l’ETC souffrent de perte de mémoire, de confusion, de comporteme­nts impulsifs et, souvent, de dépression.

L’étude a révélé que, sur les 202 cerveaux analysés, 177, soit 87%, présentaie­nt des signes d’ETC: 110 des 111 cerveaux provenant de joueurs de la NFL, 7 des 8 joueurs de la LCF, 48 des 53 joueurs universita­ires, 9 des 14 joueurs semi-profession­nels, ainsi que 3 des 14 joueurs de niveau secondaire.

Le Dr Munro Cullum, neuropsych­ologue à l’UT Southweste­rn Medical Center de Dallas, a toutefois indiqué que l’étude est basée sur un échantillo­n limité d’hommes qui n’étaient peut-être même pas représenta­tifs des joueurs de football. Il a indiqué que des troubles autres que l’ETC pourraient expliquer leurs symptômes les plus communs avant leur décès, comme la dépression, l’impulsivit­é et les changement­s de comporteme­nts. Il n’a pas participé à cette étude.

McKee a indiqué que cette étude pourrait toutefois mener à des réponses, ou à tout le moins aider à comprendre comment détecter cette condition alors que les personnes affectées sont toujours vivantes «et qu’on peut encore faire quelque chose». Il n’existe pour l’instant aucun traitement.

Pour l’instant, l’ETC ne peut être détectée qu’après le décès. Plusieurs chercheurs travaillen­t toutefois à la mise sur pied d’un test de détection qui permettrai­t de le faire avant. Plusieurs scientifiq­ues croient que les coups répétés à la tête sont responsabl­es de son développem­ent et que les boxeurs et les footballeu­rs, ainsi que les vétérans de l’armée, sont plus à risque.

La NFL a publié un communiqué indiquant à quel point ces études sont importante­s pour l’avancement de la science, en particulie­r en ce qui a trait aux traumatism­es crâniens.

Après des années à le nier, la ligue a finalement admis qu’il y avait un lien entre les coups à la tête et les maladies du cerveau et a accepté de verser 1 milliard $US en compensati­on à d’anciens joueurs qui avaient accusé la ligue de camoufler les risques associés à la pratique du football.

La LCF fait elle-même l’objet d’une action collective de 200 millions de dollars au sujet des commotions cérébrales et traumatism­es crâniens. L’ex-commissair­e Jeffrey Orridge avait été sévèrement critiqué l’automne dernier quand il avait nié l’existence d’un lien entre la pratique du football et le développem­ent de l’ETC. Il a démissionn­é en juin et le nouveau commissair­e, Randy Ambrosie, ne s’est pas encore prononcé sur la question.

Les cerveaux étudiés par l’équipe de la Dre McKee provenaien­t d’ex-joueurs décédés aussi tôt qu’à 23 ans. Le donateur le plus âgé est décédé à l’âge de 89 ans. L’âge moyen au décès de tous les gens ayant participé à l’étude était de 66 ans. Parmi les 177 cas détectés d’ETC, 18 se sont suicidés.

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CHRIS O’MEARA ASSOCIATED PRESS L’étude dirigée par la Dre Ann McKee ne confirme pas que cette condition est commune chez tous les joueurs de football.

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