Trois médias obtiennent une injonction contre La Dose
La Cour supérieure a accordé une injonction temporaire aux quotidiens La Presse, Le Soleil et Le Devoir dans une cause de droits d’auteur impliquant les services de La Dose. Cette entreprise de veille médiatique devra donc cesser d’utiliser le contenu en ligne des trois journaux concernés jusqu’au dénouement des procédures judiciaires.
Les trois quotidiens québécois, ainsi que Cedrom-SNI — qui gère les droits de leurs contenus — reprochent à LaDose.ca, gratuit, et à La Dose Pro, payant, «de distribuer et de reproduire une partie substantielle des articles» offerts par les publications sans autorisation. Aussi, le tout serait fait «en violation des conditions spécifiques d’utilisation» de leurs sites Web.
En réaction à l’injonction dite interlocutoire déposée le lundi 24 juillet, La Dose a affirmé au Devoir dans une note écrite qu’elle avait «communiqué avec Cedrom-SNI pour intégrer son modèle commercial pour la durée de l’ordonnance afin de continuer à rendre nos services à notre clientèle».
Les défendeurs ont 30 jours pour porter l’injonction en appel, mais devront obtenir la permission du tribunal pour ce faire. Le dossier peut aussi se régler à l’amiable ou se terminer par un procès. Les avocats des médias ont quant à eux préféré ne pas commenter la décision.
Question de contenu
Alors que LaDose.ca n’offre la majorité du temps que le titre des articles et un hyperlien vers le contenu, le service professionnel mené par le seul actionnaire, Pierre Bouchard, permet aux abonnés payants d’obtenir le titre, la date, le nom du média ainsi que le premier paragraphe de l’article, communément appelé l’amorce ou le lead.
Dans une décision de 38 pages rendue en Cour supérieure, le juge François P. Duprat estime que les journaux et Cedrom-SNI « font valoir une apparence de droit clair, au stade de l’injonction interlocutoire, et démontrent un préjudice sérieux et irréparable ».
Une demande d’injonction interlocutoire doit être analysée par le juge en l’absence d’une preuve, et le magistrat ne doit pas « se pencher sur la question comme s’il s’agissait d’un procès », précise le jugement. Par ailleurs, les articles concernés sont ceux écrits par les employés permanents, et non les pigistes.
Part substantielle et équitable
Au coeur du litige se trouve la Loi sur le droit d’auteur (LDA), qui stipule que pour y contrevenir, il faut utiliser «la totalité ou une partie importante de l’oeuvre», ce que La Dose se défend de faire, ajoutant que «le titre et l’amorce d’un article doivent être accessibles au public».
Les éditeurs du Soleil, de La Presse et du Devoir estiment plutôt que le titre et l’amorce d’un article représentent l’essentiel de celui-ci, et qu’il ne faut pas les juger de manière quantitative, mais qualitative.
La Cour a penché du côté des journaux, et estimé que La Dose enfreint le droit d’auteur. « Le talent et le jugement sont en cause» dans l’écriture de ces éléments journalistiques, dit le juge Duprat.
Le magistrat a aussi statué que l’utilisation des titres et des amorces par La Dose n’était pas équitable aux yeux de la LDA, qui permet quelques exceptions aux fins d’étude privée, de recherche, d’éducation, de parodie ou de satire. « Le véritable motif des défendeurs, constate le juge Duprat, c’est d’utiliser un modèle d’affaires où ils peuvent obtenir gratuitement l’oeuvre et la reproduire pour générer un bénéfice.»
Finalement, la Cour supérieure a estimé qu’en apparence, les conditions d’utilisation des sites Internet des médias concernés empêchent l’utilisation commerciale de son contenu, et que La Dose a enfreint ces conditions en toute connaissance de cause.