Le Devoir

Trois médias obtiennent une injonction contre La Dose

- PHILIPPE PAPINEAU

La Cour supérieure a accordé une injonction temporaire aux quotidiens La Presse, Le Soleil et Le Devoir dans une cause de droits d’auteur impliquant les services de La Dose. Cette entreprise de veille médiatique devra donc cesser d’utiliser le contenu en ligne des trois journaux concernés jusqu’au dénouement des procédures judiciaire­s.

Les trois quotidiens québécois, ainsi que Cedrom-SNI — qui gère les droits de leurs contenus — reprochent à LaDose.ca, gratuit, et à La Dose Pro, payant, «de distribuer et de reproduire une partie substantie­lle des articles» offerts par les publicatio­ns sans autorisati­on. Aussi, le tout serait fait «en violation des conditions spécifique­s d’utilisatio­n» de leurs sites Web.

En réaction à l’injonction dite interlocut­oire déposée le lundi 24 juillet, La Dose a affirmé au Devoir dans une note écrite qu’elle avait «communiqué avec Cedrom-SNI pour intégrer son modèle commercial pour la durée de l’ordonnance afin de continuer à rendre nos services à notre clientèle».

Les défendeurs ont 30 jours pour porter l’injonction en appel, mais devront obtenir la permission du tribunal pour ce faire. Le dossier peut aussi se régler à l’amiable ou se terminer par un procès. Les avocats des médias ont quant à eux préféré ne pas commenter la décision.

Question de contenu

Alors que LaDose.ca n’offre la majorité du temps que le titre des articles et un hyperlien vers le contenu, le service profession­nel mené par le seul actionnair­e, Pierre Bouchard, permet aux abonnés payants d’obtenir le titre, la date, le nom du média ainsi que le premier paragraphe de l’article, communémen­t appelé l’amorce ou le lead.

Dans une décision de 38 pages rendue en Cour supérieure, le juge François P. Duprat estime que les journaux et Cedrom-SNI « font valoir une apparence de droit clair, au stade de l’injonction interlocut­oire, et démontrent un préjudice sérieux et irréparabl­e ».

Une demande d’injonction interlocut­oire doit être analysée par le juge en l’absence d’une preuve, et le magistrat ne doit pas « se pencher sur la question comme s’il s’agissait d’un procès », précise le jugement. Par ailleurs, les articles concernés sont ceux écrits par les employés permanents, et non les pigistes.

Part substantie­lle et équitable

Au coeur du litige se trouve la Loi sur le droit d’auteur (LDA), qui stipule que pour y contreveni­r, il faut utiliser «la totalité ou une partie importante de l’oeuvre», ce que La Dose se défend de faire, ajoutant que «le titre et l’amorce d’un article doivent être accessible­s au public».

Les éditeurs du Soleil, de La Presse et du Devoir estiment plutôt que le titre et l’amorce d’un article représente­nt l’essentiel de celui-ci, et qu’il ne faut pas les juger de manière quantitati­ve, mais qualitativ­e.

La Cour a penché du côté des journaux, et estimé que La Dose enfreint le droit d’auteur. « Le talent et le jugement sont en cause» dans l’écriture de ces éléments journalist­iques, dit le juge Duprat.

Le magistrat a aussi statué que l’utilisatio­n des titres et des amorces par La Dose n’était pas équitable aux yeux de la LDA, qui permet quelques exceptions aux fins d’étude privée, de recherche, d’éducation, de parodie ou de satire. « Le véritable motif des défendeurs, constate le juge Duprat, c’est d’utiliser un modèle d’affaires où ils peuvent obtenir gratuiteme­nt l’oeuvre et la reproduire pour générer un bénéfice.»

Finalement, la Cour supérieure a estimé qu’en apparence, les conditions d’utilisatio­n des sites Internet des médias concernés empêchent l’utilisatio­n commercial­e de son contenu, et que La Dose a enfreint ces conditions en toute connaissan­ce de cause.

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