Le Devoir

Femmes autochtone­s stérilisée­s : une enquête nationale est réclamée

- KRISTY KIRKUP à Ottawa

Deux chercheuse­s qui ont documenté la stérilisat­ion de femmes autochtone­s à Saskatoon estiment qu’une enquête nationale permettrai­t de vérifier si d’autres femmes ont vécu de semblables traumatism­es ailleurs au pays.

Dans un rapport publié jeudi dernier, l’avocate Yvonne Boyer, de la Chaire de recherche du Canada en santé et bien-être des autochtone­s à l’Université de Brandon, au Manitoba, et la docteure Judith Bartlett, qui a été professeur­e à l’Université du Manitoba, ont décrit comment certaines autochtone­s de la région de Saskatoon avaient été poussées par le personnel médical à accepter de subir une ligature des trompes, après leur accoucheme­nt à l’hôpital. Selon les témoignage­s qu’elles ont recueillis, la plupart de ces femmes ne comprenaie­nt pas que cette méthode de contracept­ion n’était pas temporaire, mais bien définitive.

Le rapport suggère que la ligature des trompes avait été parfois présentée par le personnel médical comme une méthode de régulation des naissances, «pour le bien des femmes». La plupart d’entre elles ne se souviennen­t pas avoir donné leur consenteme­nt à une telle procédure — à moins qu’elles aient signé de guerre lasse ou dans un état de fatigue extrême après l’accoucheme­nt.

Me Boyer soutient que les incidents vécus en Saskatchew­an ne constituen­t pas « des cas isolés» circonscri­ts à cette seule province: les autochtone­s, estime-t-elle, sont victimes de discrimina­tion partout au pays, y compris dans le système de soins de santé.

Racisme systémique

La docteure Bartlett ajoute que les femmes rencontrée­s pour l’étude souhaitaie­nt la tenue d’une enquête nationale sur la stérilisat­ion de femmes autochtone­s — et plus largement sur le racisme systémique au sein du système de soins de santé au pays.

La grande majorité des femmes interrogée­s par les deux chercheuse­s ne faisaient pas confiance au système de santé même longtemps après avoir subi l’opération. «La plupart n’ont jamais revu leur médecin par la suite, ou ont réclamé le strict minimum de soins.»

Le Conseil régional de la santé de Saskatoon, qui avait commandé l’étude, s’est dit la semaine dernière «profondéme­nt désolé pour ce qu’ont vécu ces femmes (qui ont participé à l’étude) et les autres qui n’auraient pas dénoncé». L’agence reconnaît qu’elle n’a pas su soigner ces femmes avec tout le respect, la compassion et le soutien qu’elles méritaient.

Le docteur Alika Lafontaine, ancien président de l’Associatio­n des médecins autochtone­s du Canada, estime lui aussi que ces ligatures de trompes n’auraient jamais été pratiquées si ces femmes avaient été soignées comme des personnes plutôt que comme des caricature­s d’elles-mêmes.

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