Le Devoir

Lac-Mégantic : des trains à travers la ville ou non ?

Le BAPE constate que la majorité des citoyens consultés se disent pour le statu quo

- ISABELLE PORTER à Québec

Quatre ans après la tragédie de Lac-Mégantic, l’appui unanime de jadis à la voie de contournem­ent semble s’effriter. Une situation qui n’est pas sans poser de problèmes «éthiques», tranche le Bureau d’audiences publiques sur l’environnem­ent (BAPE).

«Alors qu’en 2013 […], l’urgence de construire une voie de contournem­ent semblait unanime sinon consensuel­le, tel ne semble pas être le cas aujourd’hui», constate le BAPE dans son rapport publié lundi sur les options de réaménagem­ent de la voie ferrée.

Le train de 72 wagons-citernes qui a explosé en plein coeur de Lac-Mégantic en juillet 2013 avait fauché la vie de 47 personnes. Depuis, la Ville réclame que la voie ferrée soit déplacée loin du centre-ville. Le dossier est maintenant dans le camp du fédéral qui doit décider s’il financera ou non un tel projet.

Or, lors des consultati­ons publiques du BAPE plus tôt cet été, la majorité des participan­ts se sont montrés en désaccord avec une voie de contournem­ent et favorables à ce qu’on améliore la sécurité autour de la voie actuelle.

Ces derniers «considèren­t la catastroph­e comme un accident ayant été causé par une suite d’erreurs humaines». Ils estiment que la constructi­on d’une voie de contournem­ent ne ferait que «transférer le problème » aux municipali­tés voisines, peut-on lire dans le rapport rendu public lundi.

Or pour le BAPE, le statu quo devrait davantage inquiéter la population parce que «la courbe plus prononcée de la nouvelle voie ferrée qui traverse actuelleme­nt le centre-ville de Lac-Mégantic accroît le risque potentiel d’accidents et amplifie le dilemme éthique entre choix populaire et choix sécuritair­e ».

La courbe, explique-t-on, est de 8 degrés par rapport à 4,25 lors de la catastroph­e ce que le BAPE «comprend mal» dans un contexte où «les trains continuent de transporte­r des matières dangereuse­s».

Conflit avec les villes voisines

Depuis la catastroph­e, les trains continuent de traverser la ville, mais la proportion de produits dangereux a diminué. Le nouveau propriétai­re des rails, la Central Maine & Quebec Railway (CMQR), a cessé de transporte­r du pétrole brut, mais continue d’y faire circuler d’autres matières dangereuse­s comme du propane, du butane, de l’acide sulfurique, du chlorate de sodium et plus récemment de l’essence mélangée à de l’éthanol.

Du côté du groupe de citoyens qui réclame une voie de contournem­ent, on concède que la population est plus divisée qu’avant. «Il est possible que le temps et certaines interventi­ons aient fait en sorte que la population se divise», a dit Robert Bellefleur, de la Coalition des citoyens et organismes engagés pour la sécurité ferroviair­e. « Mais peut-être que ce n’est pas dans l’intérêt de tous ».

M. Bellefleur ajoute que la majorité des gens qui ont participé à la consultati­on du BAPE ne venaient pas de LacMéganti­c même, mais des villages voisins (Nantes et Frontenac) où la voie de contournem­ent doit être construite. Or, selon le rapport du BAPE, la majorité des tenants du statu quo présents venaient de Lac-Mégantic.

Dans ce contexte, les recommanda­tions du BAPE vont dans deux directions apparemmen­t contradict­oires.

D’une part, l’organisme juge que le tracé d’une voie de contournem­ent de 11,6km à 115 millions est le plus prometteur parmi les trois corridors à l’étude.

Mais en même temps, il recommande qu’on étudie plus à fond le scénario du statu quo, ne serait-ce que pour s’assurer que ses défenseurs ont toute l’informatio­n et sont conscients du risque auquel il est associé.

Histoire de compliquer les choses encore davantage, les municipali­tés voisines de Nantes et Frontenac défendent depuis peu un nouveau tracé qui aurait moins de conséquenc­es sur leur municipali­té. Or, ce tracé n’était pas compris dans l’étude du BAPE.

Le ministre du Développem­ent durable, David Heurtel, qui avait mandaté le BAPE pour mener cette consultati­on, n’a pas commenté le rapport lundi bien qu’il l’ait en main depuis une semaine. À son cabinet, on dit vouloir d’abord le regarder avec d’autres ministères concernés, dont le ministère des Affaires municipale­s (MAMOT).

Du côté du fédéral, on nous dit que «Transport Canada examinera les résultats du rapport attentivem­ent». Le projet de voie de contournem­ent fait déjà l’objet d’une étude de faisabilit­é qui devrait déboucher sur des plans en 2020. La constructi­on pourrait ainsi débuter l’année suivante et être complète en 2023, soit dix ans après la catastroph­e.

 ?? PAUL CHIASSON LA PRESSE CANADIENNE ?? Quarante-sept personnes avaient perdu la vie en juillet 2013 lorsqu’un train de 72 wagons-citernes avait explosé en plein coeur de LacMéganti­c. Depuis, la Ville réclame que la voie ferrée soit déplacée loin du centre-ville.
PAUL CHIASSON LA PRESSE CANADIENNE Quarante-sept personnes avaient perdu la vie en juillet 2013 lorsqu’un train de 72 wagons-citernes avait explosé en plein coeur de LacMéganti­c. Depuis, la Ville réclame que la voie ferrée soit déplacée loin du centre-ville.

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