Quel succès ? L’éditorial de Brian Myles.
Le Grand Prix de Formule E relève-t-il de l’échec cuisant ou du succès «hors de toute attente» décrit par le maire Denis Coderre? La vérité est entre les deux. Il faut mettre des lunettes roses pour voir cette course comme un succès sur toute la ligne. Les citoyens et les commerçants de Ville-Marie, enclavés contre leur gré dans les derniers jours, y verront surtout un manque d’écoute du maire. Son intransigeance le suivra dans une autre course, électorale celle-là, dès l’automne.
Le succès ne peut se mesurer au seul enthousiasme des promoteurs. Il faudrait une base factuelle pour apprécier la valeur de cet événement qui a coûté 24 millions de dollars à la Ville de Montréal.
Le vice-président et directeur général d’Evenko, Jacques Aubé, a fourni un bilan incomplet : 45 000 personnes ont visité le site durant le week-end. Ils ont bu 70 000 bières, la belle affaire! Mais il a refusé de dire combien de personnes avaient bel et bien payé leur billet. Impossible de savoir également si l’organisateur de l’événement, l’OBNL Montréal c’est électrique, a utilisé la marge de crédit de 10 millions cautionnée par la Ville.
Cette absence de transparence incite à la plus grande prudence. La Ville en a-t-elle pour son argent ? C’est discutable.
Il y a peut-être une place pour la Formule E à Montréal, à la condition expresse que M. Coderre et les promoteurs tirent quelques leçons de la première édition. Le maire accepterait-il que le circuit soit aménagé au pied de sa résidence et de subir les irritants associés au montage et au démontage du circuit? Poser la question, c’est y répondre. Il est vrai que l’expectative de quiétude est moins grande lorsqu’on choisit d’habiter le centre-ville d’une métropole. L’appel au sacrifice que le maire a adressé aux Montréalais est insufflant. L’empathie, la planification de l’événement et la mitigation des irritants pour les citoyens sont les clés de l’adhésion des Montréalais.
Enfin, il faudra en revenir avec ces liens de causalité improbables qui confèrent à la tenue d’une course de voitures électriques en milieu urbain un effet d’entraînement sur l’électrification des transports. Le virage vert en matière de transports exige des investissements massifs et une planification à l’échelle de l’agglomération, au sein de laquelle le parc automobile augmente plus vite que la population. Même dans un monde utopique au tout électrique, ces problèmes de congestion et de mobilité resteraient entiers.
La densification de la trame urbaine et l’amélioration des transports en commun et actifs constituent des enjeux nettement plus importants que l’électrification sans but, dans le mirage festif.