Le Devoir

Automobili­stes et cyclistes, gardez votre calme

- PATRICK MAHONY

C’est avec grand plaisir que je prends part à ce débat… qui n’en est pas un. Je suis cycliste, motocyclis­te et automobili­ste. Ce qui fait que j’en paie, des taxes, pour rouler sur les routes… même quand je suis à vélo. Aussi bien mettre en terre tout de suite cet argument bidon.

J’ai roulé des milliers de kilomètres en auto et en vélo au Québec, aux États-Unis et en Europe, et je peux vous garantir que la pire attitude des automobili­stes envers les cyclistes est au Québec. Je peux aussi vous dire que certains des pires comporteme­nts de cyclistes… sont aussi au Québec.

Il y a beaucoup d’éducation à faire auprès des automobili­stes québécois, puisque certains propos suintent l’ignorance. Faut pas leur en vouloir. Ils ne savent juste pas. À la base, les pistes cyclables ont été conçues pour les familles et les cyclistes récréatifs qui roulent à pas plus de 20km/h. On ne peut pas rouler à plus de 20 km/h sur une piste cyclable, ce qui est parfait pour des raisons évidentes de sécurité, vu la clientèle cible.

Par contre, les cyclosport­ifs qui roulent de 25 à 40km/h doivent rouler sur les routes. Ce sont eux qui font l’objet de tant de mépris mal placé. Je fais partie de ceux-là. Les cyclosport­ifs doivent composer avec des routes parfois franchemen­t dégueulass­es et des accotement­s inexistant­s ou fissurés.

Soyez assurés, chers automobili­stes, que ce n’est pas dans un esprit de confrontat­ion ni par pulsion suicidaire que les cyclistes ne roulent pas dans l’accotement, mais bien par nécessité. Dans la région de Magog, les accotement­s où il fait bon rouler se font rares, surtout pour une sortie de 100km. Sur 100km, on va rouler au moins un 20km en zone «hasardeuse», où nous allons empiéter sur la voie carrossabl­e des voitures.

Nous nous en excusons d’avance. On ne le fait pas exprès. C’est une question de survie. Et si jamais nous roulons côte à côte sur une route de campagne peu passante et que nous ne vous entendons pas arriver à temps pour nous remettre en file indienne, vous pouvez donner un petit coup de klaxon pour annoncer que vous êtes là, et on va se tasser sans vous faire un doigt d’honneur.

Avec le vent, des fois on n’entend pas. Par contre, là où je vous rejoins, chers automobili­stes, c’est à savoir que certains cyclistes exagèrent. Certains prennent effectivem­ent la moitié d’une voie, se foutent des automobili­stes et les envoient promener.

Comme au Tour de France

J’en conviens, l’attitude de ces cyclistes qui se pensent au Tour de France et qui croient que la route leur appartient est déplorable. Vous pouvez klaxonner, leur dire de faire attention, que vous ne voulez pas les écraser, mais souvenez-vous que vous avez une voiture ou un camion de plusieurs centaines de kilos avec un pouvoir démesuré comparativ­ement au cycliste.

Raser les jambes des cyclistes avec votre pare-chocs est inutile. De toute façon, la plupart ont déjà les jambes rasées. C’est donc une perte de temps. Tout autant que les coller et les forcer vers l’accotement ou accélérer en débile une fois à la hauteur des cyclistes. Ça ne nous impression­ne pas de toute façon.

À la fin de la journée, que vous soyez en train de tirer votre bateau vers un lac ou votre véhicule récréatif vers un camping, nous voulons tous la même chose. Rentrer à la maison, serrer nos enfants et souper en famille après avoir passé quelques heures à faire une activité qu’on aime. Pensez à ça la prochaine fois que vous aurez le goût de frôler un cycliste: c’est peut-être le père de deux beaux enfants. Est-ce que je veux vraiment en faire des orphelins ? Et les cyclistes, la prochaine fois que le goût de rouler en peloton vous prendra, demandez-vous si vous êtes prêt à laisser votre partenaire élever les enfants seul. Prenez votre gaz égal, partagez la route, faites preuve d’un peu de courtoisie et de civisme et tout le monde va rentrer pour souper avec le sourire.

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PEDRO RUIZ LE DEVOIR Ce n’est pas dans un esprit de confrontat­ion ni par pulsion suicidaire que les cyclistes ne roulent pas dans l’accotement, mais bien par nécessité.

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