Le Devoir

Une fiscaliste incite Ottawa et Québec à imposer une taxe

- VICKY FRAGASSO-MARQUIS

La fiscaliste Marwah Rizqy incite Ottawa et Québec à emboîter le pas à plusieurs pays de l’OCDE pour récupérer les millions de dollars en taxes sur les achats de produits ou de services en ligne que les gouverneme­nts perdent chaque année.

La Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques publie lundi un document de recherche sur le cas de l’Australie, qui a adopté un plan pour taxer tant les services en ligne, tels que Netflix, que les produits achetés sur des plateforme­s, comme eBay et Amazon. L’étude, réalisée par la professeur­e de l’Université de Sherbrooke Marwah Rizqy, souligne que le Canada et le Québec pourraient tirer des leçons de l’expérience australien­ne, résultat d’années d’étude sur cet enjeu.

En ce moment, au Canada et au Québec, les produits et services achetés en ligne devraient être taxables, mais ne le sont pas parce que rien n’oblige les entreprise­s étrangères à percevoir une taxe. Revenu Québec compte sur le fait que les citoyens peuvent, par eux-mêmes, remplir un formulaire pour déclarer ces achats et payer les taxes sur ceux-ci. Mais seulement quelque dix personnes le font chaque année, a indiqué Mme Rizqy en entrevue téléphoniq­ue.

Selon elle, il est temps que le Canada et le Québec se penchent sur cette option, qui pourrait permettre de recouvrer des centaines de millions de dollars. En prenant l’exemple du service de vidéo en ligne Netflix, seulement au Québec, le gouverneme­nt réussirait à encaisser annuelleme­nt près de 12 millions avec le million d’abonnés québécois, selon les calculs de la Chaire.

La chercheuse déplore qu’au Canada, aucun comité ne se penche sur la question contrairem­ent à d’autres pays, comme les États-Unis et la Chine. «Au Québec et au Canada, on n’a même pas encore commencé les discussion­s. On n’a même pas un projet de loi, on n’a même pas un comité numérique, on n’a rien là-dessus»,a constaté celle qui était aussi candidate pour les libéraux fédéraux en 2015 et candidate à l’investitur­e libérale, en mars dernier.

En Australie, un chantier sur la question s’est ouvert en 2011. Pourtant, il a fallu attendre le 1er juillet 2017 pour que la première loi prenne effet. Quant à la deuxième, il faudra attendre juillet 2018.

Les mêmes règles pour tout le monde

Selon Mme Rizqy, taxer le commerce électroniq­ue permettrai­t simplement de s’assurer que les règles fiscales s’appliquent équitablem­ent à toutes les entreprise­s qui font affaire avec les Québécois et les Canadiens — et non pas d’imposer une nouvelle taxe, comme le martèlent certains. «On a des projets de loi pour augmenter,

en quelque sorte, les impôts de nos PME, mais on ne s’assure pas que les entreprise­s étrangères paient leur part d’impôt», souligne-t-elle.

Mme Rizqy concède que l’un des défis est d’obliger des entreprise­s étrangères à respecter une loi nationale. Seule l’opinion publique peut faire pencher la balance pour convaincre ces sociétés de se conformer aux règlements, suggère-t-elle. « L’entreprise, oui, veut faire des profits, mais pour faire des profits, il faut une belle image d’entreprise. »

La chercheuse rappelle d’ailleurs à certains parlementa­ires que les publicités qu’ils achètent sur Facebook ne seront pas imposées, ni taxées, parce que la transactio­n est considérée comme étant effectuée à l’étranger. «On perd de l’argent et pour un parlementa­ire, je trouve que c’est une incohérenc­e», a-t-elle indiqué.

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