Le Devoir

Levée de boucliers internatio­nale contre l’arrestatio­n de deux chefs de l’opposition

- MARIA ISABEL SANCHEZ à Caracas

Les condamnati­ons internatio­nales se multipliai­ent mardi après l’arrestatio­n au Venezuela de deux figures de l’opposition, à quelques heures de la prise de fonction de la toute puissante Assemblée constituan­te voulue par le président socialiste Nicolas Maduro et élue dimanche dans le sang.

Les États-Unis ont exprimé mardi leur « profonde inquiétude» après cette double incarcérat­ion, considérée comme une «nouvelle preuve de l’autoritari­sme du régime » vénézuélie­n. Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a appelé les autorités «à faire tous les efforts possibles pour réduire les tensions» dans ce pays pétrolier au bord de l’abîme.

Leopoldo Lopez, 46 ans, fondateur du parti Voluntad Popular (Volonté populaire, droite), et le maire de Caracas, Antonio Ledezma, 62 ans, ont été arrêtés en pleine nuit chez eux, selon des vidéos relayées sur Internet. Tous deux avaient déjà été emprisonné­s et avaient récemment été assignés à résidence.

«Nous avons reçu des informatio­ns des services de renseignem­ent qui faisaient état d’un plan d’évasion», a expliqué la Cour suprême (TSJ) dans un communiqué où il est également précisé que les deux opposants n’ont pas respecté leurs «conditions de détention » à domicile interdisan­t tout «prosélytis­me politique», pour l’un, et toute « déclaratio­n à un quelconque média », pour l’autre.

MM. Lopez et Ledezma avaient appelé à ne pas participer à l’élection de la Constituan­te dimanche, un scrutin marqué par des violences qui ont fait dix morts. Leurs avocats ont rejeté la tentative de fuite, tandis que le président du Parlement, l’opposant Julio Borges, qualifiait l’argument du TSJ de «ridicule».

Dans une vidéo datant de la mi-juillet mais diffusée mardi par ses proches sur son compte Twitter, Lopez appelle à continuer la lutte.

Dimanche, opposants et forces de l’ordre s’étaient alors affrontés à Caracas et dans d’autres villes lors de batailles rangées. Plus de 120 personnes au total ont été tuées en quatre mois de manifestat­ions anti-Maduro. Selon l’ONG Foro Penal, le Venezuela compte quelque 490 «prisonnier­s politiques».

La coalition de l’opposition Table de l’unité démocratiq­ue (MUD) a appelé à une nouvelle manifestat­ion mercredi dans la capitale.

Élections «illégitime­s»

L’élection — pour une durée indétermin­ée — des 545 membres de la Constituan­te a été qualifiée de triomphe « historique» par M. Maduro.

L’opposition, qui contrôle le Parlement depuis 2016, a boycotté ce scrutin en dénonçant une «fraude» visant à prolonger le pouvoir de M. Maduro, dont le mandat s’achève en 2019.

Qualifiant ces élections d’« illégitime­s » et M. Maduro de « dictateur », Washington a annoncé de nouvelles sanctions avec le «gel de tous les avoirs» du président vénézuélie­n aux États-Unis, une mesure extrêmemen­t rare contre un dirigeant en exercice.

M. Maduro est le quatrième chef d’État seulement à être ainsi sanctionné par Washington, rejoignant les présidents syrien, Bachar sl-Assad, nord-coréen, Kim Jong-un, et zimbabwéen, Robert Mugabe.

La nouvelle Assemblée, qui doit s’installer entre mercredi et jeudi au siège du parlement, se situe au-dessus de tous les pouvoirs, y compris du chef de l’État, et doit rédiger une nouvelle Constituti­on.

Un pas dans la mauvaise direction

L’opposition a assuré que le pouvoir législatif continuera­it de siéger malgré l’élection de la Constituan­te.

La nouvelle arrestatio­n des deux chefs de l’opposition a provoqué de nombreuses condamnati­ons internatio­nales.

« C’est assurément un pas dans la mauvaise direction»,a estimé une porte-parole de la haute représenta­nte de l’UE, Federica Mogherini. Le président du Parlement européen, Antonio Tajani, a demandé des sanctions — par un gel de leurs avoirs et une interdicti­on de voyager dans l’UE — à l’encontre des «membres du gouverneme­nt vénézuélie­n, y compris son président Nicolas Maduro et son entourage». Une position soutenue par l’Espagne.

De son côté, le Brésil a sommé le Venezuela de « relâcher immédiatem­ent» les deux opposants, et l’Italie a qualifié leur arrestatio­n d’« inacceptab­le ».

Une dizaine de pays, des États-Unis à la Colombie, en passant par l’Argentine ou l’Espagne, ont annoncé qu’ils ne reconnaîtr­aient pas la Constituan­te.

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AGENCE FRANCE-PRESSE Leopoldo Lopez et Antonio Ledezma ont été arrêtés en pleine nuit chez eux.

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