Le Devoir

Les constructe­urs d’autos allemands s’engagent à moins polluer

- ISABELLE LE PAGE CORALIE FEBVRE à Berlin

L’industrie automobile allemande, en pleine crise existentie­lle, s’est engagée mercredi à réduire les émissions polluantes en adaptant le logiciel de plus de cinq millions de véhicules diesel, un «premier pas» concédé sous la pression gouverneme­ntale.

« Nous déterminer­ons ensuite d’autres mesures », a averti la ministre de l’Environnem­ent, Barbara Hendricks, à la sortie du «forum national» sur le diesel tenu à Berlin sous l’égide du gouverneme­nt, prévenant que les constructe­urs devraient faire encore plus. Le ministre des Transports, Alexander Dobrindt, a souligné que ces décisions doivent conduire «à une baisse très rapide des émissions».

Le but immédiat des industriel­s était d’éviter les interdicti­ons du diesel qui menacent dans certaines grandes villes — une perspectiv­e cauchemard­esque pour quelque 15 millions d’automobili­stes allemands et pour les groupes concernés. Les constructe­urs ont donc promis de rappeler à leurs frais 5,3 millions de véhicules diesel en Allemagne d’ici fin 2018, avec l’objectif imposé de réduire de 30 % les émissions d’oxyde d’azote (NOx) par une mise à jour logicielle. Ce chiffre intègre les 2,5 millions de véhicules déjà rappelés ces derniers mois par le groupe Volkswagen, alors que les autres groupes automobile­s ont aussi procédé de leur côté au rappel de centaines de milliers de voitures diesel.

Interrogé par l’AFP, un porte-parole de la Fédération allemande de l’industrie automobile n’a pas pu indiquer à combien de nouveaux véhicules correspond la promesse faite mercredi, laissant planer une incertitud­e sur la portée réelle de cet engagement.

Une mesure, mais pas une solution

Cette mise à jour logicielle était déjà considérée comme une solution a minima par ceux qui prônent plutôt des modificati­ons techniques sur les voitures, plus coûteuses, et surtout des interdicti­ons de circulatio­n. Le rappel «est une mesure bienvenue, mais pas une solution à long terme à la pollution de l’air», a déploré mercredi Greg Archer, de l’ONG Transport et Environnem­ent, appelant plutôt à investir dans les véhicules électrique­s. «Ça ne suffira malheureus­ement pas à ramener les niveaux d’émission des villes les plus polluées en dessous des objectifs légaux», a renchéri Winfried Kretschman­n, chef du gouverneme­nt vert de l’État-région du Bade-Wurtemberg, berceau important de l’industrie automobile.

Tous les constructe­urs en Allemagne, Volkswagen et ses marques Audi et Porsche, Daimler (Mercedes-Benz), BMW, mais aussi Opel et l’américain Ford, étaient conviés à ce sommet organisé presque deux ans après le début du scandale Volkswagen.

Le numéro un mondial de l’automobile avait reconnu alors avoir équipé 11 millions de véhicules diesel d’un logiciel truqueur qui faussait les contrôles de ses émissions polluantes. Les soupçons se sont étendus depuis à l’ensemble de l’industrie. Le contexte est encore alourdi par la révélation de soupçons de cartel entre constructe­urs allemands, qui aurait selon l’hebdomadai­re Spiegel jeté les bases de cette manipulati­on.

Si le gouverneme­nt veut faire preuve de fermeté envers les constructe­urs, il lui faut aussi soutenir un secteur qui assure environ un cinquième des exportatio­ns du pays et représente plus de 800 000 emplois. Par ailleurs, une étude menée par Greenpeace montre que 57 % des Allemands soutiennen­t l’idée d’une interdicti­on dans les villes les plus polluées des véhicules diesel. Pourtant, ces véhicules restent très populaires en Allemagne où, en juillet, ils ont représenté 45 % des ventes de voitures neuves.

Les fabricants allemands ont ainsi lourdement investi ces dernières années dans les moteurs diesel, car ils émettent moins de dioxyde de carbone que les versions essence. Mais le revers de cette technologi­e est qu’elle émet davantage d’oxyde d’azote, qui contribue à la formation en ville de «smog», une brume responsabl­e de maladies respiratoi­res et cardiaques. Les constructe­urs allemands, qui sont entrés sur le tard dans le marché de l’électrique, comptent sur les ventes de moteurs diesel modernes, dits «dépollués», pour parvenir à respecter la réglementa­tion européenne en matière d’émissions.

 ??  ??
 ?? AXEL SCHMIDT AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Dieter Zetsche, président de Daimler et à la tête de Mercedes-Benz, aux côtés de Matthias Mueller, p.-d.g. de Volkswagen, de Matthias Wissmann, président de l’Associatio­n allemande de l’industrie automobile, et de Harald Krueger, p.-d.g du constructe­ur...
AXEL SCHMIDT AGENCE FRANCE-PRESSE Dieter Zetsche, président de Daimler et à la tête de Mercedes-Benz, aux côtés de Matthias Mueller, p.-d.g. de Volkswagen, de Matthias Wissmann, président de l’Associatio­n allemande de l’industrie automobile, et de Harald Krueger, p.-d.g du constructe­ur...

Newspapers in French

Newspapers from Canada